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22 janvier 2024 1 22 /01 /janvier /2024 02:00

J

e me suis appliqué à regarder sur Arte, par acquit de conscience puisqu’on annonçait une œuvre sur « la croyance », la série italienne Il miracolo.

 

Pour ce faire j’ai eu beaucoup de mérite, puisque dans tout ce que j’ai vu le grand-guignolesque le disputait constamment au grotesque, l’abracadabrant de l’ensemble ne se démentant jamais.

 

Pour le fond, la vision du christianisme qui a été ici proposée est fondamentalement archaïque. Elle tourne autour du sang versé à vertu salutaire et rédemptrice. Le fameux « miracle » est celui d’une statue de la Vierge pleurant du sang. On imagine alors que les drames affectant les différents personnages de ce téléfilm à prétention chorale pourront tôt ou tard être rachetés par la vertu expiatoire et quasi baptismale de ce fameux sang. C’est un thème certes émotionnellement fort, mais qui récuse toute raison.

 

Je sais bien qu’il est à la base de la construction chrétienne traditionnelle et sans doute encore malheureusement majoritaire, que nous devons à Paul. Il a interprété à sa façon le chapitre 53 du livre d’Isaïe, le fameux passage du « Serviteur souffrant », en y voyant l’allégorie du Messie sacrifié pour le salut des hommes : dans la Bible juive d’ailleurs ce passage n’est qu’une allégorie des épreuves subies par Israël. Et il a combiné cette lecture avec l’influence des cultes à mystères païens où un dieu meurt et ressuscite pour le bonheur de ses fidèles. Pour un juif et un musulman, d’ailleurs, le christianisme ainsi conçu est un paganisme.

 

Il me semble que l’essentiel pourtant devrait être, non pas la Croix salvatrice (à laquelle se rattache encore quiconque se signe, ou « touche du bois », ou « croise les doigts » pour se porter chance), mais l’enseignement du Maître. De ce dernier Paul ne fait quasiment pas mention, et ce n’est pas étonnant, car ce n’est pas ce qui l’intéresse : il n’a égard qu’à sa propre construction. De la même façon le Credo, qu’il s’agisse du Symbole des Apôtres ou du Symbole de Nicée, ne parle en aucun de ses articles de ce qu’a pu être l’ensei­gne­ment de Jésus. En cela il ne fait que développer l’édifice paulinien.[1]

 

Je pense donc qu’un christianisme mature, à la différence du téléfilm susdit, devrait s’intéresser à l’écoute d’une Parole, plutôt qu’à une construction mythologique, fût-elle salvifique. Bref, à un Christ enseignant qui nous sauve, plutôt qu’à un Christ qui nous sauve en saignant.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 7 février 2019

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21 janvier 2024 7 21 /01 /janvier /2024 12:55

Sachons faire nôtre ce qui vient à nous (cliquer sur l'image) :

 

D.R.

 

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20 janvier 2024 6 20 /01 /janvier /2024 02:00

J’

ai regardé sur Arte, dans la soirée du 10 septembre dernier, une intéressante émission consacrée à l’épreuve infligée par Dieu à Abraham, lorsqu’il lui demande de lui sacri­fier son fils Isaac. Le titre en était : Dieu est-il cruel ? Cette émission m’a rendu bien perplexe.

 

Je sais bien que toutes les cultures ont pratiqué le sacrifice, y compris humain, pour apaiser la colère d’un Dieu qu’elles supposaient courroucé. Entre autres, il y a l’exemple d’Iphigénie sacrifiée par son père Agamemnon, pour que la flotte grecque puisse bénéficier  de vents favorables et cingler vers Troie.

 

Dans une version de cette légende, rapportée par Lucrèce, elle est effectivement sacrifiée, et le poète latin conclut : « Tant la religion a pu susciter de crimes ! ». – Il est vrai que dans une autre version, rapportée par Euripide, puis par Ovide dans ses Métamorphoses, au dernier moment à Iphigénie est substituée une biche – exactement comme dans l’épisode de la Genèse un bélier est finalement substitué à Isaac. Les commentateurs s’accordent à dire que l’épisode biblique signifie la fin des sacrifices humains, et que Dieu les refuse désormais.

 

Néanmoins, cette histoire comporte encore beaucoup de zones d’ombre. Par exemple, comment expliquer le singulier bien singulier de la fin de l’épisode, que l’émission n’a pas relevé : « Abraham revint vers ses serviteurs » (Genèse, 22/19) ? Où est passé Isaac ? On en frémit, et assurément le texte porte ici trace d’une version selon laquelle le sacrifice aurait bien eu lieu.

 

Les hommes ont toujours eu la tentation de satisfaire à des ordres barbares, car pour eux le conditionnement subi ainsi que l’obéissance aveugle et moutonnière sont préférables à la réflexion. L’actualité le montre, hélas !, bien suffisamment.

 

Quant à l’image de Dieu qui se dégage de tout cela, c’est celle d’un Dieu sadique et pervers. Elle se trouve jusque dans l’Offertoire de la messe catholique, où le prêtre opérant le sacrifice – calqué exactement sur celui d’Isaac – dit : « Cette offrande, nous te demandons, Seigneur, de l’agréer en étant par elle apaisé (placatus) ». Si Dieu doit être apaisé, c’est qu’il est en colère.

 

Une traduction bien intentionnée remplace parfois « pour t’apaiser » par « pour te plaire ». Mais philologiquement elle est fausse, car pla­care (apaiser) n’est pas placere (plaire).

 

En ce qui concerne Abraham, peut-être dupe d’une illusion a-t-il simplement projeté sur Dieu une image qu’il s’en faisait, nourrie de sa propre peur. Peut-être aussi a-t-il eu une hallucination auditive... [v. Psychose]

 

Mais quand les hommes se délivreront-ils de ce fantôme sadique qui les effraie, et qui au reste est instrumentalisé par toutes les cléricatures, elles-mêmes poussées par la soif du pouvoir ?

 

[v. Prière]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 7 octobre 2015

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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