Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 octobre 2021 6 23 /10 /octobre /2021 11:57

U

n concours de beauté intitulé Miss Holocauste, faisant s’affronter des femmes ayant survécu à la Shoah, vient d’être organisé en Israël (source : Site Internet du journal Elle, 29 juin 2012).

 

Le responsable de cet événement le considère comme une « célébration de la vie », et une Polonaise de 74 ans, une des 300 candidates, a déclaré : « J’ai le privilège de montrer au monde que Hitler a voulu nous exterminer et que nous sommes vivants. Nous profitons de la vie. »

 

Certes, grand bien lui fasse ! Mais quid de toutes les personnes mortes dans ce massacre ? Le sacre d’une survivante ne leur est-il pas une insulte ? Faut-il se féliciter d’avoir survécu à une catastrophe ? Ne faut-il pas au contraire penser avec émotion et silence aux victimes, et respecter la douleur de leurs proches ? N’est-ce pas tuer une seconde fois ceux qui sont morts que de s’affirmer quant à soi bien vivants et heureux de l’être ?

 

On sait que certains survivants à l’holocauste juif n’ont pas supporté d’en avoir réchappé, au point que certains se sont définitivement murés dans le silence, ou bien se sont suicidés, comme Primo Levi.

 

Et c’est psychologiquement compréhensible. En général, selon ce que dit La Bruyère : « Il y a une espèce de honte à être heureux à la vue de certaines misères ». À quoi fait écho la parole de La Sauvage d’Anouilh : « Il y aura toujours un petit chien crevé quelque part qui m’empêchera d’être heureuse. » Il arrive que le bonheur soit une insulte au malheur, qu’il ne respecte pas.

 

L’impudeur du procédé susdit est générale. On fait aujourd’hui concours de tout, et au prix d’un énorme contraste on oublie la substance réelle des choses pour ne retenir que la forme, qui vaut alors pour elle-même et est seule prise en considération.

 

Cela me fait penser à ces « Funérailles à prix coûtant » qui formaient naguère le slogan d’une grande surface. Ou encore à ce « Lancer de nains » pratiqué il y a quelque temps aussi dans certains night-clubs. Avec une parfaite équanimité du regard, on nivelle tous les contenus, que l’on traite avec total cynisme, totale obscénité, totale indécence.

 

De toute façon, sacrer une Miss Holocauste et lui donner de beaux vêtements ne donneront pas forcément plus de sens à sa vie. Restera une macabre et inadmissible mise en scène, où amnésie, formalisme et esprit fun, tous caractères de la modernité, s’unissent pour faire oublier le réel.

 

12 juillet 2012

D.R.

***

 

Ce texte est extrait du livre suivant, dont on peut feuilleter le début (Lire un extrait), et qu'on peut acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD) :

 

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

Partager cet article
Repost0
21 octobre 2021 4 21 /10 /octobre /2021 01:01

U

n ancien adjoint au maire de Villefranche-sur-Saône, qui a été également secrétaire d’État au Tourisme sous Valéry Giscard d’Estaing, vient de déposer devant le Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité concernant la loi punissant le harcèlement sexuel. Les Sages vont devoir se prononcer sur la conformité de cette loi avec la Constitution. Le motif invoqué par le requérant est que la notion de harcèlement sexuel est extrêmement floue.

 

J’ai toujours pensé de cette façon. Ce « harcèlement » est défini par le Code pénal, à l’article 222-333, dans une loi votée il y a vingt ans, de la façon suivante : « le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle ». À l’évidence, ce texte est un pur truisme. Définir le « harcèlement » comme « le fait de harceler » est tourner en rond. Et pareillement définir « harcèlement sexuel » comme « harceler dans un but sexuel » est une simple tautologie.

 

Au mieux, ce texte n’a aucune précision : à le lire simplement, le citoyen n’est pas en mesure de savoir ce qu’il peut ou ne peut pas faire pour ne pas tomber sous le coup de la loi. Or cette connaissance est pourtant un des fondements de la Constitution.

 

Deux dangers symétriques et inverses guettent un texte aussi flou. Celui de la minoration des fautes, et celui de leur majoration.

 

En effet, la notion de harcèlement sexuel risque d’être choisie par les juges pour déqualifier des crimes en réalité bien plus graves, comme l’attouchement, l’agres­sion et le viol. Les féministes d’ailleurs veulent elles aussi qu’on précise davantage ce qu’on entend par ce mot de « harcèlement ». Mais en a-t-on vraiment besoin, quand les crimes sexuels sont déjà punis ?

 

À l’inverse, on peut faire entrer dans la catégorie de harcèlement sexuel des comportements tout à fait anodins, comme le fait de regarder quelqu’un de façon un peu appuyée : dévisager n’est quand même pas tout le temps envisager ! Ce peut même être au contraire dans certains cas un silencieux hommage rendu à la beauté, qui immobilise et sidère souvent, et bien des femmes seraient heureuses, il me semble, d’être ainsi « harcelées ». Quel regret peuvent-elles éprouver quand elles ne le sont plus !

 

Ne succombons pas aux mœurs états-uniennes, où l’on est obligé de baisser les yeux et de raser les murs quand on croise une femme. Où on ne prend pas avec elle un ascenseur. Où on ne parle pas avec elle dans une pièce sans que la porte soit ouverte. Et aussi où on ne peut caresser la tête d’un enfant dans un jardin public de peur de passer pour un pédophile...

 

En vérité, on devrait y regarder à deux fois avant de multiplier les lois : c’est bien assez parfois d’ap­pli­quer celles qui existent déjà.

 

[v. Excès]

26 avril 2012

 

 

D.R.

***

 

Ce texte est extrait du livre suivant, dont on peut feuilleter le début (Lire un extrait), et qu'on peut acheter sur le site de l'éditeur (Vers la librairie BoD) :

 

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

Partager cet article
Repost0
19 octobre 2021 2 19 /10 /octobre /2021 01:01

C’est le désir du nouveau, désir que quelque chose arrive dans la vie qui soit différent de ce qu’on connaît jusque là. Ce peut être la meilleure des choses, mais aussi la pire.

 

C’est à quoi j’ai pensé en regardant le film documentaire Magda Goebbels, la première dame du iiie Reich (LCP, 04/10/2021). On y voyait le destin d’une jeune femme moderne et cultivée, qui fut membre de la haute société et mena une vie de fête, qui devint par une conversion soudaine une nazie fanatique, jusqu’à devenir un des derniers soutiens d’Hitler lui-même, aux côtés de qui elle se donna la mort dans son bunker, en compagnie de son mari et après avoir empoisonné ses six enfants.

 

Cette conversion monstrueuse est-elle inexplicable ? Le film montrait bien que la motivation du basculement n’était pas l’ambition ou le carriérisme. En fait cette grande bourgeoise était lassée du vide de son existence et désespérément en quête d’une cause à défendre. Elle portait le nom de son beau-père juif, Friedlander, et dans sa jeunesse elle fut amoureuse d’un intellectuel sioniste dont elle épousa la cause. Le virage total qu’elle opéra en faveur du nazisme montre une personne éprise d’un idéal que sa vie ne pouvait combler. Que l’idéal qu’elle choisit ait été le pire est une autre question. Elle en cherchait un, quel qu’il fût.

 

On peut donc se ranger aux côtés de la barbarie par dégoût de la vie qu’on a et qu’on condamne avec une grande lucidité. Ce basculement à l’opposé, Jung l’a appelé énantiodromie. De la même façon, un Céline chez nous a basculé dans les pires imprécations après avoir montré que la vie n’était qu’un universel « bousillage ». On peut bien partager son point de départ, sans évidemment adhérer à son point d’arrivée.

 

L’Apocalypse dit : « Voici, je fais toutes choses nouvelles. » Le programme nazi ne disait pas autre chose. Si donc les plus belles espérances et les ambitions les plus sinistres se formulent de la même façon, il convient d’être très circonspect sur une néophilie qui est souvent réactionnelle à l’insatisfaction que procure le présent. D’origine émotionnelle, il faut la modérer par la raison.

 

En tout cas ces pulsions dangereuses existent en tout être. Défiler, pétitionner ne suffisent pas. Il ne faut pas non plus pratiquer la censure, comme le fait la Cancel Culture aujourd’hui. C'est se donner bonne conscience à peu de frais. Il faut au contraire s’examiner, et se demander si ce basculement ne peut pas aussi nous concerner. Le nouveau ne peut naître que de soi. Gandhi disait fort bien : « Soyez vous-mêmes le changement que vous voulez voir dans le monde. »

 

D.R.

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de michel.theron.over-blog.fr
  • : "Mélange c'est l'esprit" : cette phrase de Paul Valéry résume l'orientation interdisciplinaire de mon blog. Dans l'esprit tout est mêlé, et donc tous les sujets sont liés les uns aux autres. - Si cependant on veut "filtrer" les articles pour ne lire que ce qui intéresse, aller à "Catégories" dans cette même colonne et choisir celle qu'on veut. On peut aussi taper ce qu'on recherche dans le champ "Recherche" dans cette même colonne, ou encore dans le champ : "Rechercher", en haut du blog - Les liens dans les articles sur le blog sont indiqués en couleur marron. Dans les PDF joints, ils sont en bleu souligné. >>>>> >>>>> Remarque importante (avril 2021) : Vous pouvez trouver maintenant tout ce qui concerne la Littérature, la Poésie et l'Art dans mon second blog, "Le blog artistique de Michel Théron", Adresse : michel-theron.eu/
  • Contact

Profil

  • www.michel-theron.fr
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

Recherche

Mes Ouvrages