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9 décembre 2017 6 09 /12 /décembre /2017 12:39

Selon la Bible il fut condamné par Dieu, pour avoir tenté Ève, à « marcher sur son ventre et manger de la poussière tous les jours de sa vie » (Genèse 3/14). Évidemment le lecteur se demande alors comment il était et ce qu’il faisait auparavant : volait-il dans les airs, avait-il des pattes, par exemple de longues et fines jambes qui faisaient sa fierté ? Toutes les rêveries sont possibles...

 

Mais non, aujourd’hui le mystère est levé. On vient de révéler l’existence, au musée de Berlin, d’un fossile de serpent pourvu de quatre membres inférieurs. Cette découverte est annoncée triomphalement, photo probatoire à l’appui, sur un site juif bien-pensant, qui y voit une preuve de la vérité historique, factuelle, du récit biblique : « Découverte d’un serpent à quatre pattes comme le décrit la Torah ! » (jfrorum.fr, 26/11/2017).

 

La Torah évidemment ne « décrit » par un serpent à quatre pattes. Cette assertion est le propre d’un commentateur assurément pieux, qui extrapole sur le récit et veut le conforter par une argumentation logique qui en garantirait la vérité. Et c’est précisément cette attitude qui est bien naïve. Elle oublie le sens symbolique du récit. Comme disait Alain : « Ce qui importe n’est pas si c’est vrai, mais comment c’est vrai. »

 

La Bible ne s’intéresse pas du tout à la vraisemblance factuelle de ce qu’elle raconte. Elle procède exactement comme fait Ovide dans ses Métamorphoses. Le poète voit par exemple les baies rouges du mûrier, et il imagine qu’elles sont le résultat d’une fiction qu’il nous raconte : autrefois elles étaient blanches, mais Pyrame croyant à la mort de son amante Thisbé plonge son épée dans son sein, et son sang rougit les fruits qui désormais seront rouges (IV, 55-166). Il en est de même du serpent biblique : ce qu’il en fut de lui avant la malédiction divine n’a aucune importance. Simplement sa reptation actuelle est le résultat d’une fiction forgée ad hoc, pour en rendre compte.

 

Chercher de la logique dans ce type de récit procède d’un littéralisme étranger à toute poésie, donc au sens profond des choses.

 

D.R.

 

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1 décembre 2017 5 01 /12 /décembre /2017 02:01

On sait que c’est le sens du mot islam, qui, outre l’abandon à la volonté de Dieu, signifie aussi, et c’est moins connu, la paix (salam) qu’on y trouve. Cette question de la soumission de l’islam est au centre des discussions actuelles. Voyez le récent roman éponyme de Michel Houellebecq.

 

J’ai pensé à cela en apprenant que le philosophe Raphaël Enthoven a cru voir un abandon de cette idée de « soumission » dans la nouvelle traduction du Notre Père, utilisée dans la liturgie. En effet, à « Ne nous soumets pas à la tentation » succède maintenant « Ne nous laisse pas entrer en tentation ». Selon le philosophe, cette dernière traduction manifeste le « désir subliminal », de la part de l’Église, de bien se démarquer de l’islam, qui, lui, reste « soumis » à Dieu : « La suppression du verbe ‘soumettre’ est juste une façon pour l’Église de se prémunir contre toute suspicion de gémellité entre les deux cultes. » Le changement serait donc le signe d’une islamophobie secrète (Source : La Croix, 21/11/2017).

 

Je crois rêver. Comment un « philosophe » peut-il être inculte à ce point ? Comment peut-il citer une traduction particulière et seulement française (« soumettre ») d’un texte dont l’original en grec (eispherein) signifie seulement : « conduire dans », ce que traduit bien le latin de la Vulgate par inducere, qui a donné d’ailleurs notre mot « induire » ? Une traduction comme : « Ne nous induis pas en tentation » serait d’ailleurs tout à fait conforme au texte initial.

 

Quant au changement de traduction opéré récemment par l’Église, il ne fait que reprendre une correction de Marcion (« Ne nous laisse pas succomber... »), que j’avais apprise personnellement au catéchisme dans les années 1960. Le but de cette nouvelle version est théologique : il s’agit d’innocenter Dieu de toute responsabilité directe dans la tentation. On lit bien ailleurs que « Dieu ne tente personne, et chacun est tenté par sa propre convoitise » (Jacques, 1/13-14).

 

Mais aussi un philologue plus pointu pourrait remarquer que Marcion a peut-être vu derrière le texte grec un original araméen qui serait un factitif (« Ne fais pas que nous soyons conduits... »), le grec et le latin ignorant le mode spécifique du factitif.

 

– De toute façon on est bien loin ici de l’ignorance crasse de notre philosophe médiatique !

 

D.R.

 

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26 novembre 2017 7 26 /11 /novembre /2017 02:01

Stéphane Bern, conseiller d’Emmanuel Macron pour la sauvegarde du patrimoine, a eu l’idée de faire payer l’entrée dans nos cathédrales, pour assurer le financement de leur entretien. Devant la levée de boucliers que cette proposition a suscitée, il a précisé qu’il ne visait que les touristes, dont la cohue d’ailleurs, selon lui, « empêche le recueillement des fidèles ».

 

Je ne trouve pas que ce soit là une bonne idée. En effet, comment va-t-on différencier les touristes des fidèles ? Les premiers ne portent pas une pancarte les désignant comme tels, et il arrive que les seconds s’endorment aux offices, auxquels donc ils ne participent pas. En outre, on peut très bien (cela m’est arrivé) entrer dans une église ou une cathédrale par simple curiosité, et puis s’asseoir avec intérêt quand un office s’y déroule, éventuellement y participer en pensée, assailli par exemple par les souvenirs de l’enfance. Et qui sait où cela s’arrêtera ? Beaucoup sont entrés en touristes dans le lieu sacré, et en sont ressortis convertis. Ainsi Claudel, assistant adossé à un pilier à la messe de minuit à Notre-Dame de Paris : il n’en est pas sorti comme il y était entré, et toute sa vie future en a été changée.

 

En réalité, faire payer à l’entrée est admettre que la cathédrale n’est plus qu’un musée qui ne parle plus à la foi réelle ou potentielle des visiteurs. C’est admettre comme un fait irréversible la déchristianisation de notre pays, et que le bâtiment ne puisse susciter de la part des gens qu’une admiration de nature esthétique, et non pas un ébranlement spirituel.

 

L’archevêque de Strasbourg a justement condamné la proposition de Stéphane Bern (France Inter, 14/11/2017). Je lui donne raison. Un édifice religieux doit accueillir tout le monde, et proposer, à ceux qui le veulent ou y sont préparés un moment de réflexion, de recueillement, de retour à soi, dont on ne peut prévoir l’issue. Trouvons d’autres moyens de financement, pourquoi pas un Loto national ? Il faut arracher au cycle marchand et consumériste les rares lieux qui nous restent pour y échapper.

 

D.R.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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