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23 novembre 2017 4 23 /11 /novembre /2017 02:01

Le passage d’une langue à une autre peut conduire à de graves méprises. Ainsi en Israël un palestinien a été arrêté après une traduction particulière de Facebook. L’homme avait publié une photo de lui dans une colonie israélienne, posant avec un bulldozer, un véhicule déjà utilisé par le passé pour des attaques, et écrit « Bonne journée ! » en arabe, phrase que le logiciel du réseau social a traduit par « Attaquez-les ! » en hébreu, et « Faites-leur du mal ! » en anglais. Aucun traducteur n’est intervenu avant l’arrestation. Après interrogatoire, l’homme a été libéré, la police s’apercevant de son erreur (Source : le parisien.fr, 22/10/2017).

 

Il est heureux que l’affaire se soit bien terminée. Mais plusieurs remarques me viennent à l’esprit. D’abord sur la méfiance qu’il faut avoir, n’en déplaise aux partisans de l’intelligence artificielle qui croient aux miracles en la matière, vis-à-vis des logiciels de traduction automatique informatisée. Si puissants que soient les algorithmes utilisés, ils ne peuvent rien saisir du sens d’expressions ou de phrases complexes. Efficaces peut-être pour traduire un manuel pratique, ils sont totalement inopérants pour tout ce qui touche à la sémantique. La signification du langage proprement humain leur échappe par nature. Et d’ailleurs, pour le cas qui nous occupe, qui nous dit que « Bonne journée ! » n’aurait pas pu être antiphrastique ?

 

En second lieu, la traduction a déjà eu des conséquences tragiques. Ainsi le bombardement états-unien sur Hiroshima et Nagasaki vient, au dire de certains historiens, d’une traduction particulière sur un mot japonais, Mokusatsu, que le gouvernement nippon avait employé pour répondre à l’ultimatum qui lui avait été adressé. Ce mot peut signifier soit « opposer une fin de non-recevoir » soit « s’abstenir de tout commentaire ». Ce n’est évidemment pas la même chose. Mais la première traduction a été choisie, et non la seconde, et le feu nucléaire a été lancé. Montaigne avait bien raison, quand il disait que « la plupart des causes de trouble du monde sont grammairiennes. »

 

 

Langage - Traduction
D.R.

 

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15 novembre 2017 3 15 /11 /novembre /2017 02:01

Il en est de virtuels, et Facebook en est un. Il compte déjà 2 milliards d’utilisateurs, et chaque minute trois personnes qui y sont inscrites meurent dans le monde. À cette cadence, le nombre de profils de personnes décédées devrait dépasser celui de personnes vivantes d’ici cinq ans (Source : sudouest.fr, 01/11/2017).

 

Le profil d’une personne décédée peut être transformé par sa famille et ses amis en « page souvenir », et être alimenté avec des photos ou des hommages. Si cela peut soulager les proches de la victime, cela peut aussi les empêcher de faire leur deuil, et de surmonter la peine de la perte en regardant plutôt vers l’avenir que vers le passé. En outre de telles pages suscitent parfois un voyeurisme malsain.

 

Dans le cas aussi où nul ne voudrait perpétuer cette « page souvenir », le fait de laisser le profil Facebook d’un mort à l’abandon pose aussi problème. Ces pages fantômes ne disparaissent pas pour autant : elles reviennent hanter les proches de la victime, et s’incrustent dans le monde des vivants à grands coups de notifications automatiques et de rappels d’anniversaire. L’informatique ignore l’oubli, et on peut y traîner des casseroles non seulement toute sa vie, mais encore toute sa mort : une éternité de rappels, qui ne sont pas forcément bienvenus, aussi bien pour sa propre mémoire que pour la vie des survivants.

 

En vérité, les vivants doivent se séparer des morts pour pouvoir continuer à vivre. En Afrique, on dit qu’il faut « tuer le mort », et le transformer en « ancêtre ». Si le poids du mort sur le vivant est trop grand, le second est vampirisé par le premier. Le vampire est celui qui n’est pas encore mort, un mort-vivant s’acharnant sur les vivants et se nourrissant de leur substance.

 

L’éternité Facebook oublie cette séparation symbolique nécessaire des deux mondes. Elle est faite dans nos cimetières par le mur, souvent élevé, qui les enclot. Sinon on n’en comprendrait pas l’utilité : ceux qui sont à l’intérieur ne peuvent pas en sortir, et ceux qui sont dehors ne veulent pas y entrer ! Sachons donc en tirer leçon...

 

D.R.

 

Tombe avec code QR (D.R.)

 

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5 novembre 2017 7 05 /11 /novembre /2017 02:01

On parle maintenant d’écriture inclusive pour assurer une représentation plus égalitaire des femmes et des hommes dans notre langue. On en trouvera quelques procédés sur Internet : francetvinfo, 02/09/2017.

 

Ainsi, comme tous les mots ne sont pas épicènes, c’est-à-dire recouvrant les deux sexes (« enfant, secrétaire »), on veut féminiser les fonctions : dire « la présidente » pour « Madame le président ». Soit, encore que je ne sais comment on désignera alors la femme du président.

 

Mais combiner le masculin et le féminin pour désigner un groupe qui comprend les femmes et les hommes (« les électeurs et les électrices ») me semble trop compliqué, car allongeant trop les formulations. Et puis, quel sexe mettra-t-on en premier ?

 

Le « pompon » en la matière est l’utilisation du signe « · », appelé point médian ou point-milieu. Exemple : « Les Français·es sont divisé·es sur cette réforme. » Le résultat est esthétiquement catastrophique, et je souhaite bon courage à ceux qui sur un clavier d’ordinateur veulent trouver ce point médian !

 

Avant le point médian, on avait pensé aux parenthèses : « Les Français(es) sont divisé(es) sur cette réforme. ». Mais on les a abandonnées au prétexte qu'elles servaient à inclure quelque chose de moins important, d'accessoire. Ce qui montre qu'on ne connaît rien à la fonction des parenthèses. Chez Proust par exemple elles sont loin d'inclure quelque chose de moins important, d'accessoire !

 

Les habitudes aussi d’écrire sont tellement ancrées en nous qu’il sera difficile d’admettre l’accord de proximité (« Les hommes et les femmes sont belles »), même si cette règle a pu être en vigueur jusqu’au XVIIe siècle. Il y a un attachement affectif à ce qu’on a appris depuis sa petite enfance, qu’il sera difficile à combattre.

 

Mais le plus ridicule et le plus dangereux à mon avis est le refus d’employer les noms seuls d’« homme » et de « femme » en s’aveuglant sur leur sens général possible. Ainsi les « droits de l’homme » doivent disparaître au profit des « droits humains », et la « journée de la femme » doit être proscrite, parce que pour le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, parler de « la femme » évoque « le fantasme, le mythe, qui correspondent à des images stéréotypées et réductrices telles que la figure de ‘l'Arabe’ ou ‘du Juif’. » Eh bien, n’en déplaise au Haut Conseil, je continuerai à essentialiser la Femme, à la suite des derniers mots de Goethe dans le Second Faust : « Et l’Éternel féminin toujours vers le haut nous attire. »

 

Au reste toutes ces arguties occultent l’essentiel : défendre vraiment les femmes, c’est lutter contre le harcèlement de rue, l’excision, l’inégalité des salaires avec les hommes, etc. Laissons ces nouvelles Précieuses féministes s’amuser du langage :

 

« Nous serons par nos lois les juges des ouvrages.

Par nos lois, prose et vers, tout nous sera soumis.

Nul n’aura de l’esprit, hors nous et nos amis.

Nous chercherons partout à trouver à redire,

Et ne verrons que nous qui sache bien écrire. »

 

(Molière, Les Femmes savantes, III, 2)

 

 

Ecriture inclusive
D.R.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
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