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5 février 2024 1 05 /02 /février /2024 02:00

E

lle caractérise semble-t-il le catholicisme, comme l’indique, dans un article du 2 juillet 2015, le site Internet de Témoignage chrétien (« Il y a une souplesse typiquement catholique »).

 

Tandis que le protestantisme ne transige pas avec les principes, le catholicisme admettrait en tout domaine des accommodements. Les questions évoquées dans l’article sont très diverses : homosexualité, avortement, etc. Mais toutes montrent la différence qu’il y a entre les injonctions romaines, intransigeantes, et les comportements locaux, beaucoup plus laxistes.

 

Comme toujours, cette question est très complexe. Le protestantisme a pour lui la pureté des principes. On sait que c’est contre la simonie de l’Église romaine, le trafic des Indulgences, que Luther s’est dressé en son temps. Il voulait une cohérence totale entre le discours et la pratique. Cette position critique et réprobatrice est nécessaire, sans doute, pour prévenir les abus inhérents au fonctionnement de toute Institution.

 

Cependant la pureté protestante a son revers : cet idéal de transparence totale peut mener à une sorte de totalitarisme du groupe, broyant l’indi­vidu. Ne pas mettre des rideaux aux fenêtres de sa maison, pour montrer que l’on n’a rien à cacher, est dangereux, à la fois au propre et au figuré. Car qu’en est-il de l’intimité, si l’on vit toujours sous le regard des autres ? On risque d’en être paralysé, coupable potentiel.

 

Le catholicisme est peut-être plus prudent, quand il admet le droit à une certaine obscurité ou opacité. La nature humaine est ainsi faite, qu’on répugne à s’exposer tout nu au regard de tous.

 

Le grand mérite du protestantisme a été, d’autre part, de revenir aux textes de base, débarrassés des commen­taires du magistère. Mais vouloir revenir à la Seule Écriture, sans l’écran de la Tradition, c’est oublier que l’Écriture elle-même, telle qu’elle nous est parvenue, est le résultat d’une Tradition, qui elle-même vient d’une Sélection...

 

C’est bien un fait en tout cas que les protestants, en général, lisent beaucoup plus que les catholiques. Mais ces derniers préfèrent s’abriter derrière ce que disent leurs bergers, et se contentent très souvent des actions concrètes, caritatives...

 

Faut-il trancher ? Je songe à la querelle des Jansénistes et des Jésuites, mise en scène dans les Provinciales de Pascal. Que choisir, entre la pureté morale revendiquée des premiers et les accommodements pratiques des seconds, bel exem­ple de souplesse ?

 

[v. Jésuite]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 17 septembre 2015

 

Protestants et catholiques. D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

 

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1 février 2024 4 01 /02 /février /2024 02:00

O

n sait que c’est le sens du mot islam, qui, outre l’abandon à la volonté de Dieu, signifie aussi, et c’est moins connu, la paix (salam) qu’on y trouve. Cette question de la soumission de l’islam est au centre des discussions actuelles. Voyez le récent roman éponyme de Michel Houellebecq.

 

J’ai pensé à cela en apprenant que le philosophe Raphaël Enthoven a cru voir un abandon de cette idée de « soumission » dans la nouvelle traduction du Notre Père, utilisée dans la liturgie. En effet, à « Ne nous soumets pas à la tentation » succède maintenant « Ne nous laisse pas entrer en tentation ».

 

Selon le philosophe, cette dernière traduction manifeste le « désir subliminal », de la part de l’Église, de bien se démarquer de l’islam, qui, lui, reste « soumis » à Dieu : « La suppression du verbe ‘soumettre’ est juste une façon pour l’Égli­se de se prémunir contre toute suspicion de gémellité entre les deux cultes. » Le changement serait donc le signe d’une islamophobie secrète (Source : La Croix, 21/11/2017).

 

Je crois rêver. Comment un « philosophe » peut-il être inculte à ce point ? Comment peut-il citer une traduction particulière et seulement française (« soumettre ») d’un texte dont l’origi­nal en grec (eispherein) signifie seulement : « conduire dans », ce que traduit bien le latin de la Vulgate par inducere, qui a donné d’ailleurs notre mot « induire » ? Une traduction comme : « Ne nous induis pas en tentation » serait d’ailleurs tout à fait conforme au texte initial.

 

Quant au changement de traduction opéré récemment par l’Église, il ne fait que reprendre une correction de Marcion (« Ne nous laisse pas succomber... »), que j’avais apprise personnellement au catéchisme dans les années 1960. Le but de cette nouvelle version est théologique : il s’agit d’innocenter Dieu de toute responsabilité directe dans la tentation. On lit bien ailleurs dans le Nouveau Testament que « Dieu ne tente personne, et chacun est tenté par sa propre convoitise » (Jacques, 1/13-14).

 

Mais aussi un philologue plus pointu pourrait remarquer que Marcion a peut-être eu connaissance d’un original araméen qui serait un factitif (« Ne fais pas que nous soyons conduits... »), qui n’a pu être rendu correctement, le grec (puis le latin) ignorant le mode spécifique du factitif.

 

– De toute façon on est bien loin ici de l’ignorance crasse de notre philosophe médiatique !

 

[v. Traduction]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 7 décembre 2017

 

D.R.

 

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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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30 janvier 2024 2 30 /01 /janvier /2024 02:00

S

elon la Bible il fut condamné par Dieu, pour avoir tenté Ève, à « marcher sur son ventre et manger de la poussière tous les jours de sa vie » (Genèse 3/14).

 

Évidemment le lecteur se demande alors comment il était et ce qu’il faisait auparavant : volait-il dans les airs, avait-il des pattes, par exemple de longues et fines jambes qui faisaient sa fierté ? Toutes les rêveries sont possibles...

 

Mais non, aujourd’hui le mystère est levé. On vient de révéler l’existence, au musée de Berlin, d’un fossile de serpent pourvu de quatre membres inférieurs. Cette découverte est annoncée triomphalement, photo probatoire à l’appui, sur un site juif bien-pensant, qui y voit une preuve de la vérité historique, factuelle, du récit biblique : « Découverte d’un serpent à quatre pattes comme le décrit la Torah ! » (Jforum.fr, 26/11/2017).

 

La Torah évidemment ne « décrit » pas un serpent à quatre pattes. Cette assertion est le propre d’un commentateur assurément pieux, qui extrapole sur le récit et veut le conforter par une argumentation logique qui en garantirait la vérité. Et c’est précisément cette attitude qui est bien naïve. Elle oublie le sens symbolique du récit. Comme dit Alain dans Les Dieux : « Ce qui importe, ce n’est pas si c’est vrai, mais comment c’est vrai. »

 

La Bible ne s’intéresse pas du tout à la vraisemblance factuelle de ce qu’elle raconte. Elle procède exactement comme fait Ovide dans ses Métamorphoses. Le poète voit par exemple les baies rouges du mûrier, et il imagine qu’elles sont le résultat d’une fiction qu’il nous raconte : autrefois elles étaient blanches, mais Pyrame se méprenant et croyant à la mort de son amante Thisbé plonge son épée dans son sein, et son sang rougit les fruits qui désormais seront rouges (IV, 55-166). Il en est de même du serpent biblique : ce qu’il en fut de lui avant la malédiction divine n’a aucune importance. Simplement sa reptation actuelle est le résultat d’une fiction étiologique forgée ad hoc, pour en rendre compte.

 

Chercher de la logique dans ce type de récit procède d’un littéralisme étranger à toute poésie, donc au sens profond des choses.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 14 décembre 2017

 

D.R.

 

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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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