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2 mars 2024 6 02 /03 /mars /2024 02:00

N

ormalement c’est le lieu où se déroule le culte. Mis à part des autres, il est pour cette raison considéré comme sacré, et donc s’oppose à l’espace profane.

 

Nous en sommes loin maintenant. Ainsi, pour attirer des fidèles, la cathédrale médiévale de Rochester (sud-est de l’Angleterre) a trouvé une idée : transformer sa nef en mini-golf. Les gens s’y pressent maintenant, la fréquentation ayant augmenté de plus de 80% par rapport à la même période en 2018.

 

Et Rochester n’est pas un cas isolé. La cathédrale de Norwich (est de l’Angleterre) a installé un toboggan en spirale d’une quinzaine de mètres de hauteur, tandis que celle de Lichfield (centre de l’Angleterre) a dévoilé en juillet une réplique de la surface de la lune sur son sol. (Source : AFP, 09/08/2019)

 

Jusqu’à présent les églises pouvaient abriter des concerts musicaux, éventuellement quelques expositions d’œuvres d’art, mais jamais encore des installations de pur divertissement.

 

Bien sûr on sait qu’au Moyen-Âge elles accueillaient des animaux et des marchés. Mais à cette époque la foi tout de même était grande, et si baroque que fût la fréquentation, l’édifice ne perdait pas son statut de porte ouverte sur le divin.

 

Aujourd’hui la fréquentation devient purement ludique, et répond à cet éthos de l’amusement qui caractérise notre époque, et que Baudrillard appelait la fun morality. À la différence des promoteurs de cette innovation, je doute que ces visites débouchent sur des conversions.

 

... Maintenant on pourrait faire une autre lecture de la chose, et considérer qu’il n’y a aucune raison de sacraliser le temple, puisque Dieu ou le divin ne réside pas dans des pierres, mais au plus profond de notre cœur. Le Verbe a dressé sa tente en nous (Jean 1/14). Et comme le Royaume, Dieu est à l’intérieur de nous (Luc 17/21). Tout cela fait écho à la shekina hébraïque : en général pour le fidèle elle est la présence de Dieu à l’intérieur du Temple de Jérusalem. Mais pour la Kabbale cette présence se manifeste à l’intérieur de l’âme personnelle.

 

Peut-être la désacralisation des espaces extérieurs mènera-t-elle à l’intériorisation de cet Essentiel dont ont bien besoin, il me semble, nos contemporains dévoués au seul culte du Jeu. Bien sûr le Temple perdrait alors sa fonction traditionnelle d’espace séparé et exclusivement dédié au divin.

 

Mais cette vision iconoclaste, libératrice et salutaire pourtant, ne sera partagée, ni par les visiteurs, ni par les clercs, obsédés par le souci de remplir l’édifice, à défaut des cœurs, ni bien sûr par les traditionalistes défenseurs potentiellement fanatiques du Temple (en latin : fanum).

 

[v. Intériorité, Royaume]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 29 août 2019

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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29 février 2024 4 29 /02 /février /2024 02:00

C’est pour beaucoup une qualité, et je reconnais qu’elle est appropriée à certaines situations. Mais pas à toutes. Dernièrement en effet notre président, répondant à une question qui lui a été adressée, a évoqué la possibilité d’envoyer des troupes combattre aux côtés des Ukrainiens. Mais dès le lendemain la plupart des dirigeants européens ont démenti cette option, en disant qu’aucun soldat de l’OTAN ne participerait à cette guerre. Je me pose donc la question de savoir, si erreur il y a, qui a pu la faire dans cette situation.

 

Le président français d’abord. Il aurait pu, tout en maintenant sa menace, rester dans le vague, ne pas prononcer le mot de « troupes » qui d’ailleurs ne figurait pas dans son exposé en forme. Il faut toujours laisser planer le doute pour alarmer l’adversaire, le faire réfléchir. Le jeu de poker est un bon modèle, qui se base sur l’indécision : on ne sait jamais si la menace est réelle, ou si elle participe du bluff. Le résultat est efficace.

 

Mais quand même les plus fautifs sont à mon sens les dirigeants européens qui l’ont durement contredit, et spécialement le chancelier allemand. Jurer ses grands dieux que jamais il n’y aura une participation militaire occidentale à ce conflit, c’est totalement faire le jeu de l’adversaire et capituler à l’avance devant lui. Il comprendra clairement que cette promesse est marquée par la peur de représailles, de la part d’un pays possesseur de l’arme nucléaire.

 

Que l’on ait peur à la perspective d’un élargissement incontrôlable du conflit, je le comprends. Mais il ne faut pas le montrer de cette façon, avec une franchise désarmante. Je pense aussi à l’annonce du président états-unien au début de ce conflit, quand il a dit qu’aucun soldat américain ne foulerait le sol de l’Ukraine. C’était là évidemment rassurer le président russe, et autoriser l’invasion.

 

Il faut y regarder à deux fois avant de tout dire. Parfois simplement maladroite, la franchise peut aussi être dangereuse quand elle est signe de faiblesse. Cette naïveté, cet irénisme ont de quoi plaire au régime russe, qui ne comprend que les rapports de force. Il vaut mieux au contraire lui montrer sa détermination, son souci de ne pas lâcher un pays qui demande la démocratie, et combattre aux côtés de ce dernier sans forcément dévoiler d’avance toutes ses armes. Car si on se bat, on peut perdre. Mais si on ne se bat pas, on a déjà perdu.

 

D.R.

 

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27 février 2024 2 27 /02 /février /2024 02:00

L

e père Arturo Sosa, supérieur général des Jésuites, a estimé dans la presse italienne que Satan était une « réalité symbolique ». L’Association internationale des exorcistes s’en est émue, rappelant que l’Église enseigne que le Diable est une créature bien réelle. (Source : la-croix.com, 23/08/2019)

 

Pourtant, la vision symbolique du Diable présente un grand intérêt. D’abord on se débarrasse de fables ridicules prises littéralement. Déjà dans le monde antique Lucrèce soulignait que les châtiments infernaux ne faisaient que symboliser les tourments que l’homme s’inflige à lui-même dans cette vie-ci : l’ambition insatiable pour le mythe de Tantale ou de Sisyphe, la démangeaison constante du désir pour celui du tonneau des Danaïdes, etc.

 

L’Église elle-même suggère une version symbolique de l’eucharistie, avec les paroles de la consécration : « Sanctifie ces offrandes... pour qu’elles deviennent pour nous le Corps et le Sang du Sauveur... » Ce « pour nous » peut certes signifier : « pour nous venir en aide ». Mais aussi, et pourquoi pas : « à nos yeux ». Autrement dit : « Fais que nous les prenions pour telles. » En somme, telles nous les verrons ou croirons, telles elles seront.

 

L’idée est très fine. – Mais le célébrant est si attaché à la « présence réelle » qu’il omet souvent ce « pour nous » ambigu. L’enjeu ici est son propre pouvoir : celui d’effectuer réellement par ses paroles, de façon thaumaturgique, la transsubstantiation. On préfère éblouir le peuple par le miracle que l’éclairer par le symbole. [v. Mi­racle]

 

Qu’une chose soit symbolique ne signifie pas qu’elle n’existe pas. Existe ce à quoi on fait crédit, on accorde confiance ou fiducia. Voyez en médecine l’effet placebo : il existe réellement, même si scientifiquement on ne peut le justifier. Par exemple l’homéopathie, improuvable par la science, pourrait agir vraiment par le seul crédit qu’on lui donne. Ses détracteurs mêmes le reconnaissent. Son pouvoir serait celui de l’effet placebo. Mais il est sûr que l’effet placebo est un vrai effet.

 

Je ne comprends pas pourquoi, sauf à maintenir les fidèles dans une éternelle enfance, les Institutions ecclésiales s’attacheraient à maintenir une version littérale de leurs textes et rites.

 

Il est plus mature et plus intelligent d’en offrir une version symbolique, à laquelle les adultes mûris pourront croire davantage. Le symbolo-fidéisme, que l’on doit au protestant Auguste Sabatier, incarne cette nouvelle voie. Mais l’Église romaine est-elle ainsi prête à se protestantifier ? [v. Rela­tivisme]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 12 septembre 2019

 

 

D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
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