Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
29 décembre 2023 5 29 /12 /décembre /2023 02:00

L

a Lettre d’origine évangélique que je reçois régulièrement est toujours fidèle à elle-même !

 

Elle présente cette semaine une singulière orientation. D’une part elle défend toujours une réactualisation des chants liturgiques, qui doivent être dans le vent, sans aucun doute pour ratisser large, et attirer les jeunes en église. Les chants de louange, par exemple, doivent être « relookés » selon les standards musicaux modernes (rock, pop, etc.).

 

Mais à côté de cela elle célèbre le sacrifice des soldats alliés lors du Débarquement de juin 1944 sur les plages normandes, et à la fin voici ce qu’on lit : « 2000 ans plus tôt, un autre sacrifice a coûté un prix immense. Pour que nous puissions marcher, en paix, dans l’éternité, réconcilié avec notre Créateur. »

 

On croit rêver. On pensait reléguée aux vieilles lunes de la théologie cette vision de la Croix rédemptrice et salvatrice, où le supplice du Crucifié nous « réconcilie » avec Dieu. De ce dernier on conviendra qu’elle n’offre pas une image flatteuse. Si réconciliation il doit y avoir avec lui, c’est qu’il est en colère : cette vision d’un dieu courroucé, qu’on a lue dans l’Ancien Testament, a été à la source d’un antijudaïsme chrétien millénaire. En outre, si ce Dieu a été payé par le sacrifice de son Fils, il n’a pas pardonné. Car pardonner implique qu’on efface la dette, non qu’on la recouvre. Socin et les Sociniens ont bien insisté là-dessus. Pourquoi alors ne pas vouloir, comme eux, un christianisme sans sacrifice ?

 

On peut voir au contraire le supplice du Christ non pas comme un rachat ou une expiation, mais comme un échec même de Dieu. Les Patripassiens ont été jusqu’à dire que le Père lui-même avait souffert sur la croix, et s’était ainsi uni à son Fils. Assurément cela est moins choquant que l’image d’un Dieu se repaissant des souffrances humaines, que Baudelaire par exemple a dénoncée dans son « Reniement de saint Pierre ».

 

Au fond, les évangéliques veulent moderniser la forme des chants et des musiques (où de toute façon, pris par le rythme et l’entrainement, l’on risque moins de réfléchir), et gardent pour le fond les options de la théologie la plus archaïque.

 

Certes ils pourraient répondre que cette théologie est celle de certains textes bibliques, ce qui est vrai. Mais le littéralisme n’est pas bon conseiller, et on peut préférer ici la recherche et la réévaluation.

 

C’est ce que font par exemple les protestants libéraux de mes amis, qui à l’inverse des évangéliques, gardent parfois par nostalgie la forme des anciennes musiques et liturgies, mais changent fort à propos le fond théologique des questions.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 8 octobre 2020

 

undefined
D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

Partager cet article
Repost0
27 décembre 2023 3 27 /12 /décembre /2023 02:00

C’est un rêve essentiel et immémorial de l’homme, incarné par exemple dans l’épopée sumérienne de Gilgamesh. Eh bien, l’intelligence artificielle permet aujourd’hui de le réaliser. Ainsi en Chine des sociétés sont spécialisées dans la création d’avatars de défunts. L’intelligence artificielle permet aux familles endeuillées de ramener virtuellement leur proche à la vie. Il suffit de disposer de 30 secondes de vidéo de quelqu’un pour en créer un double numérique, qui peut exister pour toujours, même si son corps n’est plus là. Cette technologie nous dit-on représente « un nouveau genre d’humanisme » (Source : bfmtv,  20/12/2023)

 

Il y a bien sûr le cas où ces doubles fantômes pourraient ne pas être fidèles à la personne qu’ils sont censés imiter, et dont abîmeraient sa mémoire. Et comment savoir alors si elle aurait été réellement consentante des libertés ainsi prises ? A-t-on toujours raison de se fier aux algorithmes ?

 

Mais le plus grand reproche à faire à ces initiatives est qu’elles ne comprennent rien à la psychologie humaine. Il n’est pas sûr du tout que d’avoir sous les yeux une personne disparue rende effectivement service au survivant. Le vrai tombeau des morts est le cœur des vivants. Faire son deuil est s’apprivoiser progressivement à une perte. L’être aimé s’estompe peu à peu, le regret que sa mort nous laisse s’adoucit, et son image change de sphère. Il passe du monde des vivants à celui des disparus, pour son bénéfice et aussi celui des vivants.

 

En Afrique on dit qu’il faut « tuer le mort », c’est à dire le transformer en ancêtre. Son éloignement est indispensable pour continuer à vivre. Sinon il parasite le vivant, comme il se voit chez le cas des vampires, dont la caractéristique est qu’ils ne sont pas encore morts. Combien en connaît-on, d’inconsolables d’une perte, qui refusent de vivre, comme dans La Chambre verte de Truffaut ! Ce n’est pas pour rien que l’Église admet le remariage dans le cas d’un veuvage. Elle a bien compris ce qu’est le nécessaire travail du deuil.

 

Avoir toujours accès à une image précise du défunt empêche ce processus de détachement. Pareillement pour sa voix, qu’aussi on prétend ressusciter. L’inflexion des voix chères qui se sont tues, du poète, signifie qu’elles ne sont chères que pour s’être tues. Désormais absentes de la vie, elles parlent à l’âme.

 

Humaniste, cette technique ? Bien plutôt ignorante et dangereuse.

 

#Mort. #Deuil. #Réalité virtuelle.
D.R.

 

Partager cet article
Repost0
25 décembre 2023 1 25 /12 /décembre /2023 02:00

Notre époque lui est totalement dévolue et lui rend une sorte de culte, comme je l’ai entendu au Journal de 13 H de France Inter (22/12/2023). Il paraît que 7 français sur 10 vont offrir pour Noël un cadeau à leur animal de compagnie, certains cadeaux pouvant aller jusqu’à 100 euros. Une interviewée, parlant de son chien, a même dit qu’il était « son enfant ».

 

Une telle nouvelle montre d’abord ce que tout un chacun peut aisément constater, que Noël est devenu une gigantesque fête de la consommation et de l’échange de cadeaux, sa signification religieuse (l'incarnation de Dieu) étant majoritairement ignorée. C’est au surplus un formalisme, puisque dès le lendemain de la fête beaucoup de cadeaux ne convenant pas seront revendus sur Internet. Dans l’histoire, c’est seulement l’économie capitaliste qui gagne, via la circulation de l’argent.

 

Ensuite, on voit bien que lorsqu’on ne croit plus en Dieu, on croit en n’importe quoi, comme en la valeur prééminente d’un animal auquel on veut faire plaisir. Ou plutôt on s’imagine : car quel retentissement Noël peut-il avoir dans la tête d’un animal ?

 

L’attachement à celui-ci est omniprésent aujourd’hui. C’est un signe de paganisme, où peut mener un antispécisme caricatural : les animaux nous sont consubstantiels, bénéficient d’une pure égalité avec nous. Ils nous dispensent par exemple d’avoir des enfants, car les soins qu’ils nous coûtent sont moindres que les sacrifices imposés par la paternité. Et de toute façon nous aimons notre égocentrisme narcissique, auquel nous pousse tout l’air du temps, marqué par le crépuscule du Devoir.

 

Donc nous pouvons faire de nos animaux de compagnie nos idoles, comme l’empereur romain Caligula qui avait nommé son cheval consul. Rien ne doit être trop beau pour eux, et peu importe que les seules sommes consacrées aux cadeaux que nous leur faisons pourraient faire la joie de tant d’humains dans le dénuement. Les premiers sont si fidèles, et les seconds si étrangers, si lointains !

 

Combien de fois dans mes flâneries ai-je entendu telle promeneuse dire à son quadrupède en laisse que « Maman » s’occupait bien de lui ! Combien de fois ai-je eu envie de lui dire qu’en Chine on mange les chiens ! Mais je me range aujourd’hui à l’idée que dans la Crèche de Noël le bœuf et l’âne ne sont là que pour mettre en valeur l’Enfant. On ne peut y voir qu’une subordination.

 

D.R.

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de michel.theron.over-blog.fr
  • : "Mélange c'est l'esprit" : cette phrase de Paul Valéry résume l'orientation interdisciplinaire de mon blog. Dans l'esprit tout est mêlé, et donc tous les sujets sont liés les uns aux autres. - Si cependant on veut "filtrer" les articles pour ne lire que ce qui intéresse, aller à "Catégories" dans cette même colonne et choisir celle qu'on veut. On peut aussi taper ce qu'on recherche dans le champ "Recherche" dans cette même colonne, ou encore dans le champ : "Rechercher", en haut du blog - Les liens dans les articles sur le blog sont indiqués en couleur marron. Dans les PDF joints, ils sont en bleu souligné. >>>>> >>>>> Remarque importante (avril 2021) : Vous pouvez trouver maintenant tout ce qui concerne la Littérature, la Poésie et l'Art dans mon second blog, "Le blog artistique de Michel Théron", Adresse : michel-theron.eu/
  • Contact

Profil

  • www.michel-theron.fr
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

Recherche

Mes Ouvrages