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8 octobre 2023 7 08 /10 /octobre /2023 01:00

J

e viens de voir sur le blog de l’Association Schola Sainte Cécile, qui dépend de la paroisse Saint-Eugène, à Paris, des cours de latin proposés au public.

 

La publicité en est la suivante : « On le supprime à l’école, venez l’apprendre à notre paroisse ! Cours de latin liturgique, 2 samedis par mois... Cours assuré par M. le curé. »

 

C’est avec beaucoup de tristesse que j’ai lu ce message.

Non pas que le fait qu’un curé enseigne le latin me choque le moindrement : je ne suis pas anticlérical à ce point...

 

... Ni même qu’il s’agisse du latin liturgique, que je considère comme pouvant être très beau, même s’il est différent du latin dit classique.

 

Je ne suis pas en effet de ceux qui n’admettent que le latin cicéronien, et je sais très bien que c’est artificiellement qu’on a fait à l’Université une norme d’une très étroite section opérée dans l’évolution d’une langue.

 

Je ne dis pas cela seulement par nostalgie d’une enfance élevée in hymnis et canticis – dans les hymnes et les cantiques. Le latin dit tardif en effet, y compris médiéval, recèle de magnifiques pépites : il suffit de lire Le Latin mystique de Rémy de Gourmont pour s’en persuader. Je reconnais aussi que l’église romaine actuelle, par la bouche des Jésuites par exemple, s’exprime à l’occasion en très bon latin.

 

Non, ce qui me choque, c’est l’abandon programmé de cette langue dans l’enseignement public. Elle va se dissoudre dans un vague brouet interdisciplinaire, se mêler à l’enseignement de la civilisation antique, pour à la fin disparaître totalement en tant qu’objet d’étude spécifique. Or on ne connaît vraiment une civilisation que si on connaît bien sa langue, où elle se reflète complètement. Mistral disait très bien : « Si tu as la langue, tu as la clé ! »

 

On va la perdre apparemment. Certes les élèves seront heureux d’être dispensés de l’effort nécessaire pour l’acquérir, mais ce projet démagogique de notre ministre va accentuer la déculturation déjà en marche.

 

En outre, j’ai vu sur Internet que l’entreprise de Sainte-Cécile rencontre d’ores et déjà un grand succès, les demandes pour ces cours étant fort nombreuses. Je gage donc que ce sont les écoles privées qui vont maintenant se frotter les mains : elles pourront accueillir les candidats latinistes. Au regard de la carence et de l’abandon qui seront ceux de l’école publique, c’est fort dommage.

 

... On se demandera peut-être si les réflexions à quoi j’ai abouti ici ont un lien avec la religion ou la spiritualité, matière ordinaire de mes articles. Eh bien, je répondrai que tout est bon à prendre quand il s’agit d’humanité – et d’humanités. Que l’héritage catholique romain puisse alimenter notre culture, même de façon détournée, pourquoi pas ? Au reste, Dieu écrit droit avec des lignes courbes...

Article paru dans Golias Hebdo, 22 octobre 2015

 

#Latin. #Enseignement. #Humanités. - D.R.

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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6 octobre 2023 5 06 /10 /octobre /2023 01:00

E

lle vise chez nous, au-delà de la séparation de l’Église et de l’État, à bien différencier dans chaque individu l’être humain qu’il incarne et dont il faut toujours défendre les droits, et ses diverses pensées, opinions et croyances, dont la puissance publique n’a pas à s’occuper.

 

On a beaucoup parlé de l’affaire Mila, cette jeune fille récemment injuriée, menacée de mort par égorgement et déscolarisée pour échapper à ces menaces, parce qu’elle s’était insurgée, en critiquant vertement l’islam, contre un harcèlement sexiste et homophobe.

 

À cette occasion Mme Belloubet, Garde des Sceaux, a déclaré : « L’insulte à la religion est une atteinte à la liberté de conscience ».

 

Il est bien curieux qu’une agrégée de Droit ne distingue pas une religion de ses adeptes. S’il est bien interdit chez nous de s’en prendre aux seconds en particulier, on peut très bien critiquer la première en général. Sinon on instaure un délit d’opinion, on installe une police de la pensée, et on rétablit un délit de blasphème.

 

Il est bien curieux aussi, en général, qu’un croyant puisse s’identifier totalement à sa croyance et à son monde mental au point de vouloir à tout prix les afficher dans le domaine public et éventuellement les imposer aux autres. Car au fond ce à quoi on pense, ce à quoi l’on croit, est aléatoire. Montaigne l’a bien remarqué : « Nous sommes chrétiens au même titre que nous sommes périgourdins ou allemands. »

 

On connaît la phrase de Descartes : « Je pense donc je suis ». Peut-être faut-il lui substituer : « Je ne suis pas ce que je pense ». Si j’étais né ailleurs, si j’avais subi d’autres influences, mes pensées, opinions et croyances seraient autres que celles qu’elles sont maintenant, et c’est pourquoi je ne dois pas m’identifier entièrement à elles.

 

Il est extrêmement dangereux de le faire. Cela engendre psychorigidité et fanatisme. Écoutons encore le sage Montaigne, qui pensait peut-être à l’exécution de Michel Servet, brûlé à Genève avec l’assentiment de Calvin, pour négation du dogme de la Trinité : « C’est mettre ses conjectures à bien haut prix que d’en faire griller un homme tout vif. » Et encore : « Il n’y a que les fols certains et résolus. »

 

Grâces donc soient rendues à notre laïcité, qui distinguant fort justement l’homme en général de ce que les hommes dans leur diversité croient en particulier, ouvre à une société de tolérance. – Bien entendu, je ne la confonds pas avec l’esprit laïciste ou laïcard, fondamentalement agressif et anticlérical, qui n’en est qu’une caricature.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 20 février 2020

 

#Laïcité. #Blasphème. #Tolérance. - D.R.

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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4 octobre 2023 3 04 /10 /octobre /2023 01:00

I

l ne faut pas le confondre avec l’esprit laïque, qui ne prône que la séparation du religieux et du profane dans l’espace public.

 

On peut très bien, et c’est mon cas, défendre ce dernier, et récuser le premier. Pathologie de l’esprit laïque, l’esprit laïciste ou laïcard est délibérément hostile à tout ce qui est religieux, qu’il ne veut pas voir même évoqué, par exemple, dans l’enceinte de l’école publique.

 

C’est ce qui vient de se produire dans une école de l’Indre, où un instituteur a fait l’objet, de la part de sa hiérarchie, d’un déplacement contraint et d’une sanction pour « faute grave professionnelle », pour simplement avoir fait étudier en classe des passages de la Bible. Ayant fait appel de cette décision, survenue en juin 2017, il espère maintenant une réhabilitation (Source : LeFigaro.fr, 07/02/2017).

 

Se déclarant agnostique et fils et petit-fils d’instituteurs de l’enseignement public, il a voulu, dit-il, simplement répondre aux questions de ses élèves, genre : « C’est qui, le monsieur sur la croix dans la salle des fêtes ? », ou « Pourquoi on travaille pas à Pâques ? », ou enfin : « C’est quoi, le baptême de Clovis ? »

 

J’ai moi-même dans ma carrière de professeur été confronté à l’ignorance abyssale des élèves en matière religieuse : pour eux une parabole est une antenne de télévision, la Passion la simple passion amoureuse, et même un crucifix n’est qu’un tournevis (cruciforme !).

 

J’affirme que l’ignorance des faits religieux élémentaires de notre culture condamne à ne rien comprendre du tout à nos arts et à notre littérature. Racine, Hugo, Baudelaire, et combien d’autres ! sont totalement incompréhensibles si on ne connaît pas l’arrière-plan religieux sur lequel leur œuvre s’est édifiée. Pourquoi s’en tenir à n’étudier que la mythologie gréco-romaine, païenne, et refuser d’explorer la mythologie chrétienne, sinon par référence à une laïcité mal comprise, et dévoyée ?

 

Je me sens bien proche de cet instituteur, agnostique (comme moi) et fils d’instituteurs (comme moi aussi). Espérons alors que son admi­nistration n’aura pas le dernier mot...

 

Article paru dans Golias Hebdo, 22 février 2018

 

 

Autre article que j'ai publié sur cette même affaire :

 

J’

ai appris avec stupéfaction qu’un professeur de l’enseignement public, dans l’Indre, a été suspendu par son Inspecteur d’Académie pour avoir fait travailler ses élèves sur quelques extraits de la Bible.

 

Une enquête administrative a été ouverte, mais les parents d’élèves qui ont envoyé une lettre au rectorat pour se plaindre de l’étude d’un texte religieux en classe restent anonymes et ne parlent pas – en quoi évidemment on peut admirer leur courage... (Source : Francetvinfo.fr, 04/03/2017)

 

Cette sanction d’une gravité exceptionnelle me choque totalement. Cela me fait penser à mes débuts de professeur en lycée public. Comme j’avais fait allusion en cours de français au Notre Père chrétien, où le croyant demande à Dieu de « ne pas le faire entrer en tentation », pour faire réfléchir les élèves, après Paul Ricœur, à l’idée du « Dieu méchant dans la vision tragique de l’existence », mon proviseur me convoqua et me reprocha de faire réciter dans tous mes cours le Notre Père et l’Ave Maria ! Tant la calomnie sour­noise et courageusement anonyme peut faire des ravages, comme le dit Basile dans Le Barbier de Séville !

 

Je ne sais pas évidemment quel a été le contenu de l’enseignement de ce collègue, au demeurant très bien vu de la quasi-totalité de ses élèves et de leurs parents, d’après la source susmentionnée. Mais je sais bien que l’étude d’un texte dit « sacré », biblique ou autre, est tout à fait possible en cours de français, et ne contrevient pas au principe de laïcité. Seuls les laïcistes ou laïcards, ces myopes intellectuels, peuvent s’en formaliser. Leur convient tout à fait le proverbe oriental : « Quand on montre la lune du doigt, l’imbécile regarde le doigt ».

 

Au reste, je soutiens que vouloir étudier la littérature sans faire référence aux contenus religieux qui la sous-tendent, textes compris, est une ineptie. Comment comprendre Pascal, Racine, Hugo, Baudelaire, etc., sans y faire des allusions, et parfois fort développées ? Ne confondons pas les plans. C’est affaire ici de culture, et non pas de catéchisme.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 16 mars 2017

 

 

 

D.R.

 

***

 

Extraits d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

 

 

 

*

Sur la fin juridique de cette affaire :

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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