Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 septembre 2022 5 16 /09 /septembre /2022 01:00

Celle qui est exercée sur autrui est évidemment inadmissible. Pourtant les exemples en sont très fréquents, spécialement dans les religions. J’ai ainsi vu sur Arte, dans la soirée du 23 septembre dernier, un remarquable documentaire : Bouddhisme, la loi du silence. On y voyait comment un gourou, pour peu qu’il bénéficie d’un certain charisme ou ascendant magnétique sur ses disciples, peut les manipuler à son gré. Son pouvoir évidemment ne tient qu’à l’adhésion qu’ils consentent eux-mêmes à ce qu’il leur demande, et cette dernière à la projection aveuglée qu’ils font sur lui. Comme le dit La Boétie des tyrans : « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux. »

 

Il est très facile d’instaurer une emprise sur quelqu’un. Pour le persuader d’obéir, il suffit par exemple d’instiller en lui la peur, comme fait le médecin charlatan Knock de Jules Romains, qui asservit tous les habitants d’un canton en leur disant qu’ils sont malades. Là on surfe sur la crédulité et l’hypochondrie spontanée des gens. Ailleurs ce sera sur leur désir naturel de sens, qu’on pervertit par des pratiques dégradantes. Ainsi le gourou peut s’autoriser d’une « folle sagesse » pour faire progresser le disciple sur la voie de l’éveil, et lui imposer maltraitances et viols, le contact physique avec le maître étant censé accélérer le processus.

 

Cette « folle sagesse » faisant fi de toute morale et de toute loi humaine existe dans toutes les religions. En christianisme même certains mouvements dits antinomistes ou nécessariens (qui se disaient eux-mêmes pécheurs justifiés) se sont autorisés de cette expression, paulinienne d’origine, pour se permettre tous les comportements, y compris les plus répréhensibles. La belle phrase de saint Augustin : « Aime et fais ce que tu veux » (Ama et quod vis fac) a pu être aussi pervertie de la sorte.

 

Il me semble que ce qui sous-tend tous ces errements est l’idée de sacré : ce qui est radicalement séparé de l’humain et échappe à toute compréhension. Tant que la sacralité existera dans l’esprit des hommes, et spécialement celle dont on investit un personnage en le séparant des autres et en lui confiant sa gestion, perdureront tous ces comportements inadmissibles.

 

Au fond, nulle obligation qui s’en autoriserait n’est recevable. Il faut toujours mettre l’homme avant elle. « Le sabbat est fait pour l’homme et non pas l’homme pour le sabbat. » (Marc 2/27)

 

 

D.R.

 

Partager cet article
Repost0
14 septembre 2022 3 14 /09 /septembre /2022 01:00

La mort de Jean-Luc Godard, qui l’a illustrée dans toute son œuvre, est l’occasion de réfléchir aux problèmes qu’elle pose. En effet le cinéaste n’a cessé de dynamiter les codes traditionnels de la représentation filmique, en montrant son caractère totalement artificiel et gratuit. C’est évidemment très intelligent, irréfutable en un sens, mais aussi dangereux dans un autre.

 

Que toute narration par exemple soit gratuite, on en trouve déjà l’expression dans le début de Jacques le Fataliste de Diderot. Et la constatation en est incontestable. Mais on peut y perdre l’adhésion naïve à toute voix qui entreprend de raconter, la magie du « Il était une fois... » C’est comme si on coupait le courant nécessaire pour adhérer à tout récit, sans se préoccuper d’aller réparer les plombs. C’est le carrosse qui se retransforme en citrouille.

 

Bien sûr, l’auteur en nous associant ainsi à son activité de création fait de nous à son tour des auteurs, de la même façon que Duchamp disait que le tableau est dans l’œil de celui qui le regarde. Mais veut-on toujours de cette association ? Est-on prêt par exemple à coopérer avec celui qui raconte, à passer, comme on l’a dit à propos du Nouveau Roman, du récit d’une aventure à l’aventure d’un récit ?

 

En général toute culture est faite de constructions symboliques auxquelles on donne crédit ou confiance, fiducia en latin. Et elle ne tient que par là. Construite initialement par évidence du cœur, elle se déconstruit ensuite par l’intelligence doutante, mais c’est au risque de s’y détruire. Ainsi Godard né dans un pays protestant, donc de tendance iconoclaste, n’a pas eu pour l’image l’adhésion spontanée que lui donnait par exemple Fellini, venant d’un monde catholique : peut-être a-t-il compensé cela par son amour de la musique....

 

On pourra parler chez lui d’une ironie distanciée, qui parfois se réduit à des blagues de potache. Mais pour citer encore Duchamp, que vaut-il mieux : peindre la Joconde ou lui dessiner des moustaches ? Les fulgurances de pensée, qui font penser chez Godard à celles qu’avait Malraux, ne suffisent pas à construire un vrai monde englobant comme il en existait aux époques de grande foi. Peut-on planer indestructible au-dessus des ruines ?

 

En somme, la déconstruction n’est pas toujours le dernier mot, et il y a dans certains cas une sagesse de la confiance : une intelligence en éloigne, et une autre y ramène.

 

 

D.R.

 

Partager cet article
Repost0
12 septembre 2022 1 12 /09 /septembre /2022 01:00

L’

idée de châtiment divin s’associe très souvent encore aux catastrophes qui frappent notre monde.

 

En vertu de la vieille notion théologique de la rétribution, nous pouvons toujours associer malheur et culpabilité. Cela s’atteste dans le langage avec des expressions comme : « Mais qu’est-ce que j’ai donc fait au Bon Dieu pour mériter cela ? », ainsi que dans le double sens chez nous du mot « misérable » : « malheureux », et « méchant ». [v. Rétribution]

 

C’est à quoi j’ai pensé en lisant sur le site Internet du Figaro, en date du 5 août 2011, l’infor­mation, photo impressionnante à l’appui, selon laquelle un lac du Texas s’est entièrement coloré en rouge sous l’effet conjugué de la sécheresse et d’une bactérie. Ce phénomène a entraîné sur Internet nombre de messages alarmistes des tenants de la fin des temps, qui y ont vu un lien avec des versets de l’Apocalypse annonçant la transformation de la mer en sang (8/8 et 11/6).

 

On aurait pu penser aussi aux fameuses plaies au moyen desquelles un Dieu assurément peu miséricordieux frappe les Égyptiens, selon par exemple ce qu’il dit à Moïse : « Tu prendras de l’eau du fleuve, tu la répandras sur la terre, et l’eau que tu auras prise du fleuve deviendra du sang sur la terre. » (Exode 4/9)

 

Assurément c’est ce dernier passage qui a inspiré le premier, et il s’agit là, non de faits historiques constatés ou constatables, mais d’un travail de réécriture ou de palimpseste à fin d’édi­fi­cation, selon la technique bien connue en milieu juif du midrash. Nous sommes en pleine littérature, et ceux qui voient des faits réels ou leur possibilité dans des textes qui ne font que se réécrire et s’engendrer mutuellement, sont dupes d’une illusion majeure. Les textes sont comme les désirs ou les trains : chacun peut en cacher un autre.

 

Oublier ce dialogue constant entre eux, qu’on appelle l’intertextualité, est le danger de tout littéralisme. En l’occurrence, il alimente des peurs totalement irraisonnées, enfantines, comme celles de ceux qui voient des faits dans des contes de fées. [v. Litté­ralisme]

 

Bien entendu, ces peurs peuvent être instrumentalisées par les dirigeants, quels qu’ils soient (clergé, régimes théocratiques ou autocrati­ques...).

 

C’est le cas de toute forme d'eschatologie, dont notre exemple relève aussi. Devant tant de puérilités, on peut assurément se poser la question : quand les hommes consentiront-ils à grandir un peu ? [v. Historicité]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 18 août 2011

 

D.R.

 

  

***

 

Cet article est extrait de mon ouvrage en deux tomes Chroniques religieuses, édité chez BoD, disponible à la fois en version papier et en version électronique (e-book). On peut les feuilleter en cliquant ci-dessous sur Lire un extrait. Et on peut les acheter sur le site de l'éditeur en cliquant sur Vers la librairie BoD :

 

Chroniques religieuses
Théron, Michel
14,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont une sélection d'articles parus dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils concernent toujours directement ou indirectement des sujets ayant trait à la religion et à la spiritualité. Vu leur brièveté (deux pages), on peut en faire une lecture picorante et fragmentée. Ce livre n'est pas un traité systématique, mais un recueil familier permettant de petites méditations quotidiennes sur des sujets concrets.

Chroniques religieuses
Théron, Michel
16,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont une sélection d'articles parus dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils concernent toujours directement ou indirectement des sujets ayant trait à la religion et à la spiritualité. Vu leur brièveté (deux pages), on peut en faire une lecture picorante et fragmentée. Ce livre n'est pas un traité systématique, mais un recueil familier permettant de petites méditations quotidiennes sur des sujets concrets.

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de michel.theron.over-blog.fr
  • : "Mélange c'est l'esprit" : cette phrase de Paul Valéry résume l'orientation interdisciplinaire de mon blog. Dans l'esprit tout est mêlé, et donc tous les sujets sont liés les uns aux autres. - Si cependant on veut "filtrer" les articles pour ne lire que ce qui intéresse, aller à "Catégories" dans cette même colonne et choisir celle qu'on veut. On peut aussi taper ce qu'on recherche dans le champ "Recherche" dans cette même colonne, ou encore dans le champ : "Rechercher", en haut du blog - Les liens dans les articles sur le blog sont indiqués en couleur marron. Dans les PDF joints, ils sont en bleu souligné. >>>>> >>>>> Remarque importante (avril 2021) : Vous pouvez trouver maintenant tout ce qui concerne la Littérature, la Poésie et l'Art dans mon second blog, "Le blog artistique de Michel Théron", Adresse : michel-theron.eu/
  • Contact

Profil

  • www.michel-theron.fr
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

Recherche

Mes Ouvrages