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4 septembre 2022 7 04 /09 /septembre /2022 01:00

E

lle est affirmée et vantée dès le début de la Bible. Ainsi dès la Genèse Dieu crée, dans les eaux, les airs, et sur la terre, toute espèce vivante qu’il trouve bonne, bénit et engage à se multiplier : 1/20-25.

 

Aucune exclusive donc, et les écologistes d’aujourd’hui se retrouveraient sans nul doute dans cet accueil de bienvenue, cha­leureux et inconditionnel, réservé à tout ce qui vit.

 

Cependant le malin génie qui me souffle souvent à l’oreille des initiatives incongrues et iconoclastes m’a poussé à ouvrir mon Rituel romain, en latin, édité à Tournai en 1952. Il est rare que je sois déçu dans sa lecture.

 

Ainsi, à côté des bénédictions diverses et applicables à tout usage, y compris les plus insolites (bénédiction de navire, de véhicule de toute sorte, y compris de voiture de pompiers, de sismogra­phe destiné à prévenir des tremblements de terre, etc.), j’y ai trouvé des formules de malédiction ou d’exorcisme, destinées à éloigner les « rats, sauterelles de diverses espèces, les vers, et autres animaux nuisibles », qui constituent des « pes­tes » dévorant les récoltes : p. 626. La demande n’y va pas par quatre chemins : « Où que vous alliez, soyez maudits, diminuez en nombre jusqu’à ce que plus rien ne reste de vous en nul lieu ! » : p. 627.

 

Nous voilà au rebours du « croissez et multipliez-vous » de la Genèse. La biodiversité n’est pas respectée, et à son égard il y a la thèse, et l’hypothèse : ce type de contradiction entre les principes et la réalité pratique est fréquent en matière de religion.

 

Un tri est donc fait entre tout ce qui vit, pour séparer ce qui sert l’homme et ce qui, au moins le pense-t-il, lui nuit. Apparemment le Dieu biblique des origines n’avait pas prévu ce scénario.

 

Gageons que François d’Assise n’aurait pas aimé ces formules anthropocentriques de « déprécation », lui qui écrivit le Cantique des créatures, les unissant toutes dans un commun accueil. Pourquoi ne pas parler à sa suite de « mon frère le pou », et de « ma sœur l’araignée » ?

 

Mais nous avons désamorcé son message en le canonisant : comme il y a des promotions-canapé, il y a des promotions-placard. On a par là en sa personne bien justifié l’adage latin : Promoveatur ut amove­a­tur ! (Qu’il soit promu pourvu qu’on s’en débarrasse !).

 

Et de même qu’à son éloge de la pauvreté nous avons préféré l’activité capitaliste de son père, riche commerçant, de même à la bénédiction de tout ce qui vit nous préférons encore l’anathème et l’hostilité.

 

C’est bien dommage, car au-delà de la question religieuse, la biodiversité est bénéfique. Les scientifiques qui l’étudient nous montrent bien qu’il suffit de la gérer, que tout sert d’une façon ou d’une autre dans un biotope donné, et qu’en général la notion d’espèce nuisible ou de mauvaise herbe est dépourvue de sens.

[v. Environnement]

Article paru dans Golias Hebdo, 20 mai 2010

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait de mon ouvrage en deux tomes Chroniques religieuses, édité chez BoD. On peut les feuilleter en cliquant ci-dessous sur Lire un extrait. Et on peut les acheter sur le site de l'éditeur en cliquant sur Vers la librairie BoD :

 

Chroniques religieuses
Théron, Michel
14,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont une sélection d'articles parus dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils concernent toujours directement ou indirectement des sujets ayant trait à la religion et à la spiritualité. Vu leur brièveté (deux pages), on peut en faire une lecture picorante et fragmentée. Ce livre n'est pas un traité systématique, mais un recueil familier permettant de petites méditations quotidiennes sur des sujets concrets.

Chroniques religieuses
Théron, Michel
16,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont une sélection d'articles parus dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils concernent toujours directement ou indirectement des sujets ayant trait à la religion et à la spiritualité. Vu leur brièveté (deux pages), on peut en faire une lecture picorante et fragmentée. Ce livre n'est pas un traité systématique, mais un recueil familier permettant de petites méditations quotidiennes sur des sujets concrets.

 
 
 
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2 septembre 2022 5 02 /09 /septembre /2022 01:00

O

n peut être anticlérical, et aimer fréquenter les prêtres, rechercher sinon leur amitié, au moins leur conversation.

 

C’est précisément mon cas, et en chaque ville que j’ai habitée j’ai toujours essayé de rencontrer le chargé de paroisse de mon quartier.

 

Aussi me suis-je reconnu en lisant le récent article de Télérama consacré au trentième anniversaire de la mort de Georges Brassens. On y lit que ce « légendaire bouffeur de curés » en comptait plusieurs dans son entourage. Et cela ne m’a pas du tout étonné.

 

Comment expliquer ce paradoxe ? Cela est aisé. Qui pourrions-nous vouloir rencontrer, lorsque nous sommes jusqu’à la nausée écœurés par le matérialisme de notre société ? Face à ce « règne inexpiable de l’argent » dont parlait Péguy, et dont il n’y a aucun précédent dans l’histoire de notre monde, qui voir, avec qui parler, qui n’en soit pas a priori prisonnier, et qui soit une occasion de nous ouvrir à ce à quoi notre âme altérée aspire : quelque chose d’autre au moins que tout cela, et qu’il faut bien appeler Transcendance ? Qui nous change des vedettes du show-biz, du foot, de la finance, de l’arrivisme de nos professionnels de la politique ?

 

En principe, à part peut-être certains penseurs ou artistes (dont le nombre n’est pas bien grand, car beaucoup sont pris par le culte de leur ego, quand ce n’est pas par le maelstrom de l’argent), seuls les hommes de Dieu peuvent nous faire entrevoir d’autres horizons que ce royaume de la Mort.

 

Mais seulement quand nous les sentons habités par la même recherche que la nôtre : bref, nos frères en humanité. Mais viennent-ils à nous débiter tel catéchisme ou tel credo, telle injonction insti­tutionnelle, qu’aussitôt le rapprochement se rompt, nous voyons devant nous le pasteur et non plus l’homme, et apparaît inévitablement l’anti­cléri­calisme. C’est que nous n’avons plus devant nous un homme, mais comme disait Drewermann un « fonctionnaire de Dieu ».[1]

 

C’est pourquoi, contre ce type de fossilisation, le « mécréant » Brassens a toujours défendu l’humain. Mais déjà Hugo, ce grand croyant, disait que Dieu sortait de l’église dès lors qu’un prêtre y pénétrait. Quant à moi, j’en pourrais certes dire autant à l’occasion. Mais tout de même, je me contenterai d’espérer rencontrer un homme partageant la même soif que moi, même si c’est pour un Dieu auquel personnellement je ne crois pas.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 31 mars 2011

 

[1] Sur la différence en une même personne entre le pasteur et l’homme, voyez le chapitre « Schizophrénies religieuses », dans mon livre Peur de son ombre – La Lumière est en nous, éd. BoD, 2017.

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait de mon ouvrage en deux tomes Chroniques religieuses, édité chez BoD. On peut les feuilleter en cliquant ci-dessous sur Lire un extrait. Et on peut les acheter sur le site de l'éditeur en cliquant sur Vers la librairie BoD :

 

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31 août 2022 3 31 /08 /août /2022 01:00

O

n en distingue ordinairement deux types, que l’on oppose : l’amour de désir, en grec éros, et l’amour de don, en grec agapè, mot qui a donné le français agape, repas fraternel. C’est lui seul qui est employé pour dire l’amour dans le texte néotestamentaire. L’équiva­lent latin d’éros est amor, et d’agapè, caritas, qu’uti­lise Jérôme dans sa Vulgate.

 

Caritas a donné charité, mais ce mot a pris maintenant des connotations condescendantes, et on traduit désormais l’agapè chrétienne par amour tout simplement, par exemple dans l’hym­ne célèbre que Paul lui a consacrée, au chapitre 13 de la première épître aux Corinthiens.

 

Théoriquement, ces deux visages de l’amour se distinguent bien l’un de l’autre. Le premier, éros, cultive le désir pour lui-même, et s’y complaît : il recherche un certain état, celui d’être amoureux. Le second, agapè, veut le bien de l’autre : c’est un amour actif, qui se voue et dévoue à l’autre. De ce point de vue, quand on est amoureux, on n’aime pas vraiment, on aime seulement aimer. Aimer au contraire c’est aider.

 

Voilà le catéchisme que j’ai appris, dans ma lecture des ouvrages de Denis de Rougemont, comme L’Amour et l’Occident, ainsi que des thèses d’Anders Nygren, dans son livre essentiel sur Éros et Agapè.

 

Cependant, j’ai toujours aimé revisiter les catéchismes. Ainsi ai-je remarqué qu’en grec moderne aimer se dit tout simplement agapân, le mot incluant toute sorte d’amour, éros compris. Et d’autre part les Pères de l’Église disent que Dieu a pour les hommes un amour fou, manikos eros, exactement comme dans le recueil éponyme de Breton.

 

Aussi ai-je entrepris une enquête sur cette opposition, en la confrontant à mon expérience personnelle de l’amour. Et il m’a semblé que les deux types d’amour non seulement ne s’opposent pas radicalement, mais qu’ils peuvent coexister dans une seule vie : passion et compassion ne sont pas des ennemies. Et même au sein même de la seconde l’absence constatée de la première, du fait de l’écoulement inexorable du temps, peut être très mal vécue.

 

Simplement il y a des dangers symétriques qui guettent éros et agapè : la dangereuse méconnaissance de l’autre, simple objet de projection,  dans le premier cas – et le très contestable sacrifice de soi-même, souvent renvoyant à un dolorisme d’essence religieuse, dans le second.

 

Et enfin l’idée m’est venue d’explorer des voies que l’on pourrait suivre pour préserver l’amour de son grand ennemi : le temps qui passe.[1]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 13 mars 2014

 


[1] On trouvera toutes les étapes de cette enquête dans mon livre Savoir aimer – Entre rêve et réalité, éd. BoD, 2020.

 

 

D.R.

 

***

 

Cet article est extrait de mon ouvrage en deux tomes Chroniques religieuses, édité chez BoD. On peut les feuilleter en cliquant ci-dessous sur Lire un extrait. Et on peut les acheter sur le site de l'éditeur en cliquant sur Vers la librairie BoD :

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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