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28 septembre 2022 3 28 /09 /septembre /2022 01:00

E

lle est nécessaire, selon l’Église catholique, pour que le mariage soit valable. À Viterbo, en Italie, deux fiancés, âgés de 25 et 26 ans, devaient se marier. Mais un mois avant la célébration, un grave accident de la route priva le jeune homme de l’usage de ses jambes. Dès lors l’évêque du lieu annula la cérémonie, au motif d’« impuissance copulative », une des « raisons dirimantes » exprimées dans le droit canon, qui fonde le mariage sur l’acte sexuel opéré en vue de la procréation des enfants. (Source : site de L’Express, 11/06/2008).

 

Je ne sais si depuis la paralysie et l’impuis­sance du jeune homme ont pu disparaître, et si l’interdiction de l’évêque a pu être levée. Mais ce fait me semble significatif d’une position ecclésiale inflexible, qui n’est pas propre d’ailleurs au catholicisme.

 

Mais de quoi se mêlent les religions en l’espèce ? D’abord subordonner l’amour à la seule sexualité réalisée est le réduire bien souvent : les partisans de la Fin’amor, au Moyen-âge, cherchaient souvent dans l’épreuve de la chasteté volontaire un moyen de sublimer les pulsions par quoi l’homme tient de l’animal. Pensons aussi aux Condormants, qui à la même époque s’essayaient au « martyre blanc », épreuve consistant à coucher avec un partenaire de l’autre sexe pour vérifier si l’on était capable de garder la continence. Ou pensons encore, dans un autre contexte, au syneisaktisme des Pères du Désert, forme d’ascèse consistant en la cohabitation chaste avec une personne de sexe différent, dans le but de surmonter ses tentations charnelles.

 

Là est l’essence de tout l’amour courtois, qu’il ne faut pas balayer d’un revers de main, pas plus que l’amour dit « platonique ». Et d’ailleurs, l’Église elle-même ne fait-elle pas l’éloge de la virginité, avec son culte marial ?

 

En second lieu, subordonner la sexualité à la reproduction de l’espèce, c’est ravaler l’homme précisément au rang des animaux, chez lesquels ce lien est constant. Mais l’homme a disjoint sexe et reproduction, en inventant l’érotisme, qui est précisément sa spécificité. L’enjeu est le plaisir qu’on peut se donner mutuellement, qu’il serait bien barbare de vouloir refuser à ces pauvres êtres promis à la mort que nous sommes, durant notre bref passage sur cette terre.

 

Certes l’Église se contente de refuser l’« im­puis­sance copulative », et ne va pas jusqu’à considérer, comme « raison dirimante » d’annula­tion d’un mariage, la stérilité. Mais le judaïsme orthodoxe voit dans cette dernière un motif de divorce, comme il se voit dans le film Kadosh, d’Amos Gitaï. Et on ne se demande même pas si elle ne vient pas de l’homme, dont on ne peut faire le sper­mogramme, depuis la condamnation biblique du péché d’Onan…

 

Laissons donc les interdits religieux où ils sont, et simplement ayons pitié de nous-mêmes !

 

Article paru dans Golias Hebdo, 16 août 2012

 

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

 

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26 septembre 2022 1 26 /09 /septembre /2022 01:00

On parle beaucoup aujourd’hui d’inclusion du féminin dans le langage. Ainsi le professeur de théologie protestante Olivier Bauer plaide pour une version plus inclusive du Notre Père, débutant par « Notre Mère et Père qui êtes aux cieux… » Et dans la demande concernant le pardon il propose d’inclure le féminin, et de dire : « Comme nous pardonnons aussi à celles et ceux qui nous ont offensé·es. » (Source : la-croix.com, 15/09/2022)

 

Pour le fond, il est certain que le christianisme gagnerait à se féminiser, ne serait-ce que parce que Jésus, dans ce qui nous en est rapporté, a parlé d’une voix féminine, par exemple quand il dit : « Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu ! » (Matthieu 23/37) Qui parlerait d’un Jésus Mère poule ne se tromperait pas. Donc s’il reste encore, comme je le crois, des traces de machisme patriarcal dans le christianisme, il importe évidemment de les faire disparaître.

 

Cependant je ne suis pas d’accord avec les corrections de forme que propose le professeur de théologie. Il prend tout littéralement, et par exemple, pour le féminiser, il parle d’un Dieu qui « engendre ». Certes il en est question aussi dans le Symbole de Nicée, à propos de Jésus, « engendré, non pas créé ». Mais c’est oublier que ce mot, tiré d’un psaume d’intronisation (2/7), signifie symboliquement « adopter », comme je l’ai montré dans mon livre Les Mystères du Credo – Un christianisme pluriel, BoD, 2018). La parentalité est spirituelle, il est catastrophique de la prendre au pied de la lettre. Sinon on est ramené à ce que disait en 1821 l’Archevêque de Paris Hyacinthe de Quélen : « Non seulement Jésus-Christ était fils de Dieu, mais encore il était d’excellente famille du côté de sa mère. »

 

Pour le pardon des offenses, le théologien estime « qu’il est temps de traiter les femmes en adultes et de reconnaître explicitement qu’elles peuvent elles aussi nous offenser. » Là aussi le regard est celui d’un myope, qui manque de distance. Le « ceux » du texte est générique, englobe évidemment « celles », et on ne s’était pas avisé d’autre chose avant la remarque de notre théologien. Conseillons-lui donc de méditer ce proverbe oriental : « Quand on montre la lune du doigt, le sot regarde le doigt. »

 

D.R.

 

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24 septembre 2022 6 24 /09 /septembre /2022 01:00

O

n sait qu’une simple expression, une phrase seule peuvent prendre différents sens suivant le contexte dans lequel elles figurent.

 

Il y a à cet égard une phrase attribuée au cardinal de Richelieu : « Donnez-moi deux lignes de quelqu’un et je le ferai pendre. » Il y a donc danger à extraire une phrase de son contexte, et à ne la considérer que comme seule.

 

C’est le cas de la phrase très connue de la première lettre de Jean, dont se gargarisent beaucoup de chrétiens : « Dieu est amour. » Rien de plus beau assurément, de plus invitant ou engageant.

 

Mais il est bon de lire le passage de 1 Jean 4/8-10 en entier, en notant bien les inflexions ou changements d’idée de verset en verset : « Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour (v.8). L’amour de Dieu a été manifesté envers nous en ce que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde, afin que nous vivions par lui. (v.9)  Et cet amour consiste, non point en ce que nous avons aimé Dieu, mais en ce qu’il nous a aimés et a envoyé son Fils comme victime expiatoire pour nos péchés. (v.10) »

 

On peut recevoir le v.8, et l’on peut même admettre l’inversion hérétique du « Dieu est amour » en « L’amour est Dieu » (en grec on ne peut pas le faire, car l’attribut n’y a pas d’article : Ho theos agapè estin – mais en latin on le peut : Deus est caritas peut se lire des deux façons). On peut recevoir aussi comme essentiel et décisif le v.9, en y comprenant que le message ou la parole de Jésus peut effectivement nous faire vivre. Mais est-on obligé d’admettre le v.10, qui contient la théologie, barbare pour beaucoup, de la victime expiatoire (hilasmos) ?

 

Pour les Sociniens, par exemple, si Dieu a été effectivement payé du sacrifice de son Fils, il n’a pas pardonné, car le pardon suppose qu’on efface une dette, non qu’on la recouvre. Le créancier a été remboursé : que dire de plus ?

 

De cette phrase décontextualisée viennent toutes les incantations triomphalistes, aveuglées et bondieusardes qu’on nous donne sur l’amour, et qui fleurissent encore chez les bien-pensants, et jusque sur les sites de « spiritualité » sur Internet. Quand on a prononcé ce mot, « Dieu est amour », on a tout dit, et on pense que cela suffit à clore définitivement la bouche à tout contradicteur. Assurément cette cer­titude rassure, et on s’y réfugie.

 

Que ne lit-on, pourtant, ce texte en entier ? Ou alors que n’en a-t-on fait le lifting, et fait disparaître la fin si contestable ? – Mais il est plus confortable de s’étourdir de l’amour, plutôt que de réfléchir sur la singulière façon dont ici il est présenté.

 

[v. Amour]

 

Article paru dans Golias Hebdo, 21 octobre 2010

 

D.R.


***

 

Cet article est extrait de mon ouvrage en deux tomes Chroniques religieuses, édité chez BoD. On peut les feuilleter en cliquant ci-dessous sur Lire un extrait. Et on peut les acheter sur le site de l'éditeur en cliquant sur Vers la librairie BoD :

 

Chroniques religieuses
Théron, Michel
14,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont une sélection d'articles parus dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils concernent toujours directement ou indirectement des sujets ayant trait à la religion et à la spiritualité. Vu leur brièveté (deux pages), on peut en faire une lecture picorante et fragmentée. Ce livre n'est pas un traité systématique, mais un recueil familier permettant de petites méditations quotidiennes sur des sujets concrets.

Chroniques religieuses
Théron, Michel
16,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont une sélection d'articles parus dans un journal hebdomadaire. Souvent inspirés par l'actualité, ce qui les rend plus vivants, ils concernent toujours directement ou indirectement des sujets ayant trait à la religion et à la spiritualité. Vu leur brièveté (deux pages), on peut en faire une lecture picorante et fragmentée. Ce livre n'est pas un traité systématique, mais un recueil familier permettant de petites méditations quotidiennes sur des sujets concrets.

 
 
 
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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
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