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n ne gagne pas dans la vie si on a peur de perdre, et si cette peur paralyse pour agir. Que faire alors si l’on se trouve dans ce cas ?
On peut par avance décider de confier tout ce qui arrive au résultat d’une loterie, qui rassure tous les gens en les présentant identiquement égaux face à l’aléatoire, et dispense chacun de faire un effort soi-même pour améliorer sa situation.
Beaucoup de matches dans la dernière Coupe du Monde de football ont illustré cette vérité, et en particulier la seconde demi-finale, qui s’est terminée après prolongations sur le score de 0 à 0, et par la loterie des tirs au but, que manifestement recherchaient tous les joueurs : paralysés par la peur de perdre, ils n’ont rien fait pour jouer vraiment, c’est-à-dire en attaquant, et se sont tous ensemble par avance confiés au sort qui devait désigner le vainqueur indépendamment de son mérite.
Résultat : une prestation totalement insipide et inutile, puisque la partie ne fut pas jouée. Mieux vaudrait, dans ce type de cas très fréquent, la commencer par les tirs au but, et on serait plus vite fixé sur le résultat !
Parmi les joueurs et dans l’assistance, j’ai remarqué que beaucoup priaient à l’occasion de ce quasi-divin jugement du sort, pour qu’il leur fût favorable.
Passant alors du sport à la théologie, j’ai pensé à ce primat de la foi dans le salut procuré par la grâce toute-puissante, telle qu’on la trouve dans l’Épître aux Romains (3/28) : à l’image de toute loterie, elle n’est au fond qu’une injustice dont on bénéficie. Luther et Calvin en ont fait le leitmotiv de leur pensée.
Je lui préfère personnellement l’Épître de Jacques, que Luther considérait comme une « épître de paille », et qui se situe dans la droite ligne de l’orthopraxie juive. Selon elle foi ou confiance ne sont rien sans les « œuvres », c’est-à-dire dans ce que nous faisons pour bien agir (2/26).
Finalement, la fameuse « glorieuse incertitude du sport » peut masquer, comme la théologie de la grâce toute-puissante, la démission vis-à-vis de l’action, et la reddition volontaire à une force arbitraire totalement extérieure à soi, qui satisfait toujours la paresse personnelle.
En outre, cet abandon à une grâce aléatoire permet de satisfaire le ressentiment ou la jalousie qu’on éprouve devant le voisin, car on pense qu’il est lui aussi soumis, au même titre que soi, à une loterie. Rien de plus égalitaire que cela.
Nos proverbes disent bien pourtant : « Aide-toi, et le ciel t’aidera », ou encore : « La fortune sourit aux audacieux » (en latin : Audaces fortuna juvat). Prenons donc notre destin en main, même si bien sûr il n’est pas totalement en notre dépendance. Et cessons de vivre sans agir, que nous soyons footballeurs ou prédestinateurs !
Article paru dans Golias Hebdo, 24 juillet 2014
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Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.
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