Un ancien article (8 juillet 2021)
J’ai regardé avec intérêt l’émission d’Arte #SalePute diffusée dans la soirée du 23/06/2021, sur le harcèlement dont sont victimes sur Internet certaines femmes qui ont osé y tenir un discours direct et non conventionnel.
Par leur position qui leur assurait une certaine notoriété (journaliste, écrivaine, etc.) elles pensaient que cela leur était permis, à l’instar de leurs homologues masculins. Mais sur les réseaux sociaux des torrents d’insultes et de menaces (de viol et de mort) sont tombés sur elles. Bien sûr c’est en tant que femmes qu’elles ont été attaquées. Même si la misogynie et le machisme existent depuis longtemps dans notre société, Internet a servi ici d’énorme amplificateur.
Cela a pris l’allure d’un lynchage collectif, analogue à l’acharnement d’une meute sur la victime. Certaines ont voulu déposer plainte et demander justice. Mais on n’a la plupart du temps rien trouvé de mieux que de leur conseiller de se retirer des réseaux sociaux, donc de rentrer précisément dans cette invisibilité où voulaient les maintenir leurs harceleurs, dont c’aurait été évidemment la victoire.
Les décideurs dans nos pays (politiques, juges, etc.) n’ont pas grandi avec Internet, et ne savent pas les drames qui s’y jouent. C’est un vrai espace public, une agora élargie au monde entier. Une vie entière peut s’y voir reflétée, en bien ou en mal. C’est une arène planétaire, analogue aux cirques antiques, monde des pouces levés qui gracient (like), ou baissés qui condamnent (dislike). Les enjeux ne sont pas minces pour qui s’y risque.
Mais on ne peut faire autrement, si on veut communiquer efficacement avec les autres, sauf à s’enfermer dans l’isolement et laisser le champ libre à la meute. Laissée libre, cette dernière s’en donne à cœur joie, comme il s’est vu lors de la dernière présidence états-unienne, et dans le Royaume-Uni à l’occasion du Brexit (dont il paraît que 51% des Britanniques le regrettent maintenant).
Les créateurs d’Internet eux-mêmes n’ont sûrement pas prévu ce que leur invention est devenue. Il faudrait évidemment y instituer une police, et obtenir des administrateurs des réseaux eux-mêmes de la faire. Malheureusement ils n’y sont pas portés naturellement. Car leur intérêt est que le trafic qui s’y déroule soit le plus grand possible, pour s’assurer le plus grand nombre de recettes publicitaires, et c’est quand la haine s’y déverse que le buzz est le mieux garanti.
Article paru dans Golias Hebdo, 8 juillet 2021
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Michel Théron
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