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2 février 2023 4 02 /02 /février /2023 02:00

O

n ne gagne pas dans la vie si on a peur de perdre, et si cette peur paralyse pour agir. Que faire alors si l’on se trouve dans ce cas ?

 

On peut par avance décider de confier tout ce qui arrive au résultat d’une loterie, qui rassure tous les gens en les présentant identiquement égaux face à l’aléatoire, et dispense chacun de faire un effort soi-même pour améliorer sa situation.

 

Beaucoup de matches dans la dernière Coupe du Monde de football ont illustré cette vérité, et en particulier la seconde demi-finale, qui s’est terminée après prolongations sur le score de 0 à 0, et par la loterie des tirs au but, que manifestement recherchaient tous les joueurs : paralysés par la peur de perdre, ils n’ont rien fait pour jouer vraiment, c’est-à-dire en attaquant, et se sont tous ensemble par avance confiés au sort qui devait désigner le vainqueur indépendamment de son mérite.

 

Résultat : une prestation totalement insipide et inutile, puisque la partie ne fut pas jouée. Mieux vaudrait, dans ce type de cas très fréquent, la commencer par les tirs au but, et on serait plus vite fixé sur le résultat !

 

Parmi les joueurs et dans l’assistance, j’ai remarqué que beaucoup priaient à l’occasion de ce quasi-divin jugement du sort, pour qu’il leur fût favorable.

 

Passant alors du sport à la théologie, j’ai pensé à ce primat de la foi dans le salut procuré par la grâce toute-puissante, telle qu’on la trouve dans l’Épître aux Romains (3/28) : à l’image de toute loterie, elle n’est au fond qu’une injustice dont on bénéficie. Luther et Calvin en ont fait le leitmotiv de leur pensée.

 

Je lui préfère personnellement l’Épître de Jacques, que Luther considérait comme une « épître de paille », et qui se situe dans la droite ligne de l’orthopraxie juive. Selon elle foi ou confiance ne sont rien sans les « œuvres », c’est-à-dire dans ce que nous faisons pour bien agir (2/26).

 

Finalement, la fameuse « glorieuse incertitude du sport » peut masquer, comme la théologie de la grâce toute-puissante, la démission vis-à-vis de l’action, et la reddition volontaire à une force arbitraire totalement extérieure à soi, qui satisfait toujours la paresse personnelle.

 

En outre, cet abandon à une grâce aléatoire permet de satisfaire le ressentiment ou la jalousie qu’on éprouve devant le voisin, car on pense qu’il est lui aussi soumis, au même titre que soi, à une loterie. Rien de plus égalitaire que cela.

 

Nos proverbes disent bien pourtant : « Aide-toi, et le ciel t’aidera », ou encore : « La fortune sourit aux audacieux » (en latin : Audaces fortuna juvat). Prenons donc notre destin en main, même si bien sûr il n’est pas totalement en notre dépendance. Et cessons de vivre sans agir, que nous soyons footballeurs ou prédestinateurs !

 

Article paru dans Golias Hebdo, 24 juillet 2014

 

D.R.

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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1 février 2023 3 01 /02 /février /2023 12:51

Un éloge de la solitude :

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31 janvier 2023 2 31 /01 /janvier /2023 02:00

R

éservé souvent au peuple, il a mauvaise presse et est souvent condamné chez qui réfléchit.

 

Tout le monde connaît la phrase de la seconde épître aux Corinthiens : « La lettre tue, mais l’esprit vivifie. » (3/6) De même on sait le proverbe oriental : « Quand on montre la lune du doigt, l’imbécile regarde le doigt. » La question semble donc close.

 

Pourtant elle ne l’est pas. J’ai revu dans la soirée de samedi dernier, sur Arte, l’émission Naufragés des Andes : des rescapés uruguayens dont l’avion s’est écrasé dans la cordillère des Andes, en 1972, abandonnés pendant 72 jours, n’ont pu réussir à survivre qu’en prélevant de la viande sur les corps morts de leurs compagnons d’infortune, brisant un tabou majeur pour nous, le cannibalisme.

 

La presse s’en étant ensuite émue, ils ont fait référence à l’eucharistie chrétienne. C’est un fait que le Christ s’y donne lui-même à manger à ses disciples : « Prenez, mangez, ceci  est mon corps… » (Matthieu 26/26). Même si dans d’au­tres versions le « mangez » ne figure pas (rajouté parfois en Marc 14/22, absent en Luc 22/19), ce qui montre encore l’hésitation des rédacteurs devant un tel rite païen ou orgiaque d’origine, la version qui s’est imposée, et qui figure d’abord dans la première épître aux Corinthiens (11/24-29), fait de l’eucharistie une manducation sacrée. Elle justifie le nom injurieux de théophages, mangeurs de Dieu, que les réformés appliquèrent aux catholiques.

 

Heureusement pour eux, ces Uruguayens étaient catholiques. Ils ont dû leur survie à un rite et un dogme qu’ils ont pris au premier degré : la présence réelle sur l’autel sacrificiel de la messe, une fois dites les prières sacramentelles, du corps et du sang du Sauveur, qu’on appelle la transsubstantiation.

 

S’ils avaient été protestants et surtout réformés, pour qui cette présence n’est que symbolique, ils n’auraient pas pu ainsi se défendre. Seraient-ils morts dans l’aventure ? Il me semble que c’eût été bien dommage.

 

Il y a donc des cas, certes rares, où le littéralisme s’accorde bien avec la raison, et il faut tirer de tout cela une leçon de salutaire tolérance.

 

... Au reste, les tabous diffèrent selon les pays. À la fin du Satyricon de Fellini, un homme riche laisse sa fortune à ceux qui accepteront de manger son cadavre : réprobation d’abord chez les assistants, puis hésitation, et enfin acceptation pour certains. Cela donne beaucoup à réfléchir.

 

On connaît aussi le cas des Parsis de l’Inde, chez qui il est d’usage que les cadavres des adep­tes ne soient ni enterrés ni brûlés, mais soient exposés à l’air libre pour être dévorés par les oiseaux. Or ces derniers ne valent-ils pas autant que les vers ?

 

Article paru dans Golias Hebdo, 30 septembre 2010

 

D.R.

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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