D.R. Le Courage d'être S ur un versant montagneux battu par les vents, solitaire, s'opiniâtre et résiste un petit arbre, qui ce jour-là m'a donné une leçon : celle du courage d'être. Il en f...
Il peut être une bonne chose, dans le cas des actes-réflexes de survie, par exemple, mais aussi il est bien des cas où l’on a intérêt à le modérer par la réflexion.
C’est à quoi j’ai pensé en apprenant dans la presse que l’ancien président des États-Unis, après la dernière tuerie qui s’y est produite dans une école, a préconisé d’armer les enseignants. Manifestement il a agi ainsi par pur réflexe : si le « mal » (c’est sa propre expression) nous attaque, c’est à nous de riposter de la même façon. Le fait-il par voie d’armes à feu ? À nous aussi de les utiliser aussi contre lui.
Bien sûr on connaît l’attachement des états-uniens pour le deuxième amendement de leur Constitution, qui donne à chaque citoyen la possibilité de posséder une arme pour se défendre. C’est pour eux un élément incontournable de la liberté individuelle. Aussi, de façon plus prosaïque (et cynique), le lobby des armes, dont la très puissante NRA (National Rifle Association of America), finance les campagnes de beaucoup d’hommes politiques, qui se trouvent en position de débiteurs et donc de dépendance face à lui. C’est un trait essentiel du monde capitaliste, inféodé à l’argent que rapporte toute activité. Les problèmes moraux n’y tiennent pas devant l’appât du gain, le business ordinaire.
Pourtant il faudrait les poser, et c’est là que devrait intervenir la réflexion face au réflexe immédiat d’auto-défense. D’abord laisser les armes en vente libre contribue à faciliter et donc à multiplier les agressions par leur moyen. Le « mal » dont parle Donald Trump n’est pas ici une notion abstraite. Il a une genèse précise et déterminée, sur laquelle on peut agir pour le diminuer.
Ensuite, s’agissant d’un pays majoritairement chrétien, on aurait pu s’attendre au rappel de formulations évangéliques comme : Quiconque sortira l’épée sera puni par l’épée. Ou encore : Et moi je vous dis ne pas résister au méchant. Bien sûr ces paroles sont peut-être littéralement impraticables, mais au moins indiquent-elles une direction de pensée, visant à nous indiquer que s’il faut haïr le mal il faut aimer le méchant. C’est, a minima, un dépassement de l’ancienne loi du talion.
Mais Donald Trump n’en a cure. Il veut transformer l’école en lieu de western. Gageons qu’à côté de la Bible il veut voir figurer, comme hélas ! beaucoup de ses concitoyens, le Colt.
Article paru dans Golias Hebdo, 16 juin 2022
D.R.
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J'ai revu récemment sur Arte le film de Matthieu Kassowitz La Haine, sorti en 1995. Ce qui m’a frappé est que les trois jeunes gens originaires des banlieues dont le film suit les aventures parlent constamment, mais par seules bribes. Suivant la pure impulsion du moment, ils abandonnent un sujet pour passer aussitôt à un autre. Guidés par leurs instincts et en proie à leurs émotions, ils sont incapables d’enchaîner un discours suivi. Au milieu du film, un vieil homme leur raconte une histoire assez longue, sur laquelle ils pourraient réfléchir. Mais non, ils n’y comprennent rien, et tout ce qu’ils trouvent à dire est : « Mais qu’a-t-il voulu nous dire ? »
Il me semble que là est une origine de la déshérence des banlieues : l’incapacité de ces jeunes à saisir un discours d’une certaine longueur. Or on sait que c’est le langage qui est civilisateur. Il remplace l’expression pure de l’instinct dans le monde réel par la représentation des choses qui s'y trouvent, et par rapport auxquelles il crée une distance salutaire. La nature, dont sont très proches les jeunes gens du film, ne connaît que les faits, et comme loi, celle du fait accompli. Seul le langage peut faire imaginer autre chose que les faits seuls, se représenter des normes, et faire reculer l’expression des instincts. La pensée du forfait assortie de celle de son châtiment peut l’empêcher de survenir.
C’est surtout le cas, au sein du langage, du discours suivi, d’une certaine longueur. C’est la fonction traditionnelle des mythes et des récits. Plus peut-être que les seules injonctions. La Bible, par exemple, connaît les deux. Ainsi, le Lévitique ne contient que des injonctions, qui n’ont d’autre but que faire baisser la tête. Mais les récits, dont par exemple le livre de Jonas, font appel à l’intelligence de l’auditeur ou du lecteur. Des marges d’indétermination s’insinuent en eux, et le message qu’ils offrent n’est pas univoque. Réfléchir sur eux permet la métacognition, c’est-à-dire la capacité qu’a la pensée à s’interroger elle-même. Il me semble qu’il est plus digne d’un homme de les fréquenter, car il peut co-créer à bien des siècles de distance avec leur rédacteur. C’est pourquoi personnellement, à la Chanson de Roland ou à La Marseillaise, je préfère comme « récit national » les fables de La Fontaine, qui font réfléchir et non marcher au pas.
Quel dommage que nos trois « héros » n’y aient pas accès !
Article paru dans Golias Hebdo, 14 octobre 2021
D.R.
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Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).