La Vie peut nous faire signe encore quand nous n’y croyons plus
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La Vie peut nous faire signe encore quand nous n’y croyons plus
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Les deux frères qui ont tabassé à mort le jeune collégien de Viry-Châtillon ont dit avoir craint que la conduite de leur sœur à l’égard du jeune homme ne mette en danger « sa réputation et celle de leur famille. » (Source : francetvinfo.fr, 08/04/2024).
À la base de ce meurtre il a donc la « réputation » de la jeune fille, qui ne doit pas se laisser courtiser par quiconque avant d’avoir été mariée, les grands frères devant veiller sur elle avant d’être ensuite remplacés par son mari. On voit que la femme alors n’a pas d’existence propre, elle n’est que la propriété d’un homme, quel qu’il soit : c’est un bien que l’on possède, et qu’il ne faut en aucune façon partager, sous peine d’être exposé au regard réprobateur de la communauté, et d’encourir le déshonneur.
Cette vision archaïque unit le patriarcat traditionnel à la phallocratie la plus complète. Dans le cas présent, elle est véhiculée par la religion, dont on peut bien dire qu’elle remplace aujourd’hui la morale.
Cet assujettissement au Tribunal du groupe est une constante aussi chez nos adolescents. Il suffit de voir l’expression qu’ils utilisent en forme de condamnation : « La honte ! ». On sait qu’« effacer sa honte » est le maître-mot de Rodrigue dans Le Cid de Corneille. Et d’ailleurs l’idéologie est la même. Les valeurs sont toujours de représentation, et la Communauté à laquelle on appartient en est l’arbitre. De sorte que n’était la langue, le fond de cette pièce absurde (tuer un homme pour un soufflet !) serait parfaitement compris des jeunes de nos banlieues.
En vérité, l’honneur ne tient pas à ce qu’on nous fait, mais à ce qu’on fait soi-même. Si on me marche sur les pieds, si on me regarde mal, la faute en incombe à celui qui commet ces incivilités, et non pas à moi-même. Et de même une femme victime d’un viol n’est pas déshonorée, c’est son agresseur qui l’est par ce qu’il a fait. Elle est victime d’un crime, tout simplement. Mais on connaît sur ce sujet les « crimes d’honneur » encore pratiqués dans certaines cultures. Tant l’« honneur » en ce cas peut être déshonorant !
Et les réflexes les plus archaïques peuvent perdurer dans une société high tech. Je pense aux réseaux sociaux et au Tribunal du Web, où certains sont victimes de lynchages collectifs, et peuvent même conduits au suicide par atteinte à leur réputation numérique (e-reputation).
Que ne peut-on vivre par soi-même, et non sous le regard d’autrui !
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Ce texte, écrit pour Golias Hebdo, s'inspire du chapitre Le Regard des autres, de mon livre Sur les chemins de la sagesse, édité chez BoD. Pour renseignements sur cet ouvrage, merci de cliquer sur l'image ci-dessous :
Si le grain ne meurt, il ne porte pas de fruit...
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