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22 avril 2025 2 22 /04 /avril /2025 11:52

J’ai vu le 6 octobre, sur la 2, au journal de 20 H, un reportage sur la reconquête ukrainienne de villages occupés par les soldats russes depuis le début du conflit. On voyait très nettement des cadavres de ces derniers éparpillés çà et là, que manifestement leurs camarades avaient abandonnés dans leur fuite. Un soldat ukrainien a commenté : « Ils n’ont même pas emporté leurs morts ! » Et encore, un reportage diffusé la veille a montré que les Russes en fuite laissaient sur place même leurs blessés.

 

Pour soigner ces derniers, peut-être les Russes ont-ils compté sur les Ukrainiens. Mais le fait de ne pas s’occuper de ses morts est un retour à la plus extrême barbarie. L’homme se définit spécifiquement comme le seul être vivant qui donne une sépulture à ses morts, et cela depuis toujours, ainsi que le soulignent les anthropologues. Le pire des outrages qu’on puisse faire à un mort est de le priver de sépulture, ainsi qu’on le voit par exemple dans l’Antigone de Sophocle : l’héroïne veut enterrer son frère, même désobéissant au pouvoir en place, pour éviter à son âme d’errer au hasard, privée de repos. En elle les lois de la conscience sont senties comme sacrées, supérieures à celles de l’État.

 

Les soldats russes morts au combat et laissés sur place en terre ennemie sont, nous dit-on, en grand nombre. On imagine la détresse de leurs familles, de ne pas savoir ce qu’il est advenu d’eux. Évidemment privées de leurs corps elles ne peuvent pas faire leur deuil.

 

Maintenant je me pose la question suivante : cette barbarie est-elle due à la guerre elle-même, en l’occurrence à la hâte avec laquelle les soldats russes se sont repliés ? Ou bien est-elle potentiellement liée à l’âme russe elle-même ? « Il faut écorcher un Moscovite pour lui donner du sentiment », dit Montesquieu dans L’Esprit des lois. En tout cas il me semble que la notion d’individu, de son unicité non remplaçable, et des droits imprescriptibles qui lui sont attachés, est étrangère à l’âme russe. Il suffit d’écouter les cantiques orthodoxes, chantés à l’unisson, qui s’adressent à la foule, non à l’individu. Ou encore, de voir que dans le premier carnet de L’Idiot de Dostoïevski l’assassin n’est pas Rogogine, mais Muychkine : comme s’ils étaient tous les deux interchangeables. Et de ce point de vue la remarque moralisatrice du soldat ukrainien nous éclairerait sur le désir de ce pays de rejoindre l’Occident.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 20 octobre 2022

 

 

D.R.

 

Voir aussi :

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20 avril 2025 7 20 /04 /avril /2025 01:01

C’est le refus de croire en un Dieu extérieur et antérieur au monde, chargé de nous punir si on lui désobéit, et de nous récompenser dans le cas contraire, en vertu d’un contrat passé avec lui, basé sur un échange réciproque, un donnant-donnant. Dans le monde judéo-chrétien, il est signifié par le pacte du mont Sinaï, où Moïse reçoit les commandements de Dieu.

 

Si on pense que l’athéisme est le contraire d’une religion instituée, comme la chrétienne, on découvrira dans Wikipédia qu’il existe un athéisme chrétien (titre d’un article), comme aussi un athéisme juif.

 

Pour le premier, Jésus est un enseignant, un guide moral et un maître spirituel. En aucune façon il n’est un dieu, la seconde personne de la Trinité, comme l’ont affirmé les dogmes qui l’ont recouvert en l’instrumentalisant, après sa mort. Sans doute celui qui fut apparemment un rabbin marginal n’eût pas voulu de cette divinisation. Il s’est contenté de revivifier l’orthopraxie traditionnelle : « Pourquoi m’appelez-vous ‘Seigneur’, ‘Seigneur’, et ne faites-vous pas ce que je dis ? » (Luc 6/46)

 

Bien sûr son enseignement a été très vite recouvert par les valorisations toujours majorées de sa personne, visibles dans les textes mêmes qui se réclament de lui. Mais peu importe : sa voix personnelle était initialement subordonnée au message qu’il portait, qui est le plus important. Je dirais même alors, quitte à choquer, que son existence historique réelle n’importe guère. Ce qui compte est Une voix nommée Jésus, comme j’ai intitulé mon livre consacré à l’évangile selon Thomas (Dervy, 2010), et les changements que cette voix peut opérer en nous.

 

Pourquoi faire intervenir Dieu dans ces changements, sauf à maintenir l’homme dans une éternelle enfance, craignant le châtiment qui peut tomber sur lui, espérant l’écarter par sa soumission, et aspirant toujours à des récompenses et des bienfaits prodigués d’en-haut ? Cette vision du type carotte-bâton est aliénante, et de ce point de vue la divinisation de Jésus, loin d’être une libération, est une régression psychique.

 

Quand une automobile ne marche pas, il ne faut pas l’accabler de malédictions, mais ouvrir le capot et rechercher d’où vient la panne. Sinon on ajoute un nouveau malheur à un malheur, par une double peine. On peut voir la voix de Jésus comme celle d’un thérapeute, pour qui c’est bien assez que les hommes soient déjà punis par leurs errements, et non pas en plus punis pour eux.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 27 mai 2021

 

D.R.

 

 

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19 avril 2025 6 19 /04 /avril /2025 15:32

Il est parfois sage de laisser flous certains désirs :

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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