Un ancien article (2 septembre 2021)
Certains manifestants anti-vaccins, dont j’ai parlé dans le précédent numéro de Golias Hebdo (26/08/2011), ont prétendu que nous vivons en dictature. Je pense qu’il faut y regarder à deux fois avant d’employer ce type de mot.
C’est à quoi j’ai songé en regardant sur Arte l’émission Gorbatchev : en aparté, diffusée en début de soirée le mardi 17 août dernier. On y voyait que cet ancien maître de l’URSS, vivant maintenant en reclus dans une villa appartenant à l’État, s’il a été très disert sur sa vie privée, a éludé systématiquement certaines questions de nature politique qui manifestement le dérangeaient. Est-il un « héros » qui a précipité la chute et le démantèlement de l’URSS, comme le pense l’Occident ? À plusieurs reprises il n’a pas voulu répondre à la question, par laquelle il s’est senti gêné. S’il avait dit « oui », il avouait une traîtrise à sa patrie – ce qu’on lui reproche d’ailleurs aujourd’hui dans son pays même. Par égard pour l’hostilité de l’opinion nationale, et sûrement par peur des conséquences pour lui, il est resté muet. Il n’a rien dit non plus sur Poutine et son système – et la conclusion qu’on peut en tirer est qu’il a semblé en redouter la puissance. Bref, il a pratiqué la restriction mentale. Aussi, même s’il a dit au début de l’entretien qu’il avait une parole libre, il a montré par toutes ses réticences que ce n’est pas vrai.
Voilà donc un pays qui connaît bien, lui, la dictature. Ils sont en assez grand nombre, non seulement la Russie et la Chine, mais encore beaucoup d’autres, sans qu’il faille encore y ajouter, par un insupportable abus de mots, la France.
Le discours des anti-vaccins se retourne même contre eux, et ils sont un bel exemple de ce qu’ils dénoncent. C’est dans un régime dictatorial, en effet, que le langage est perverti, comme celui qu’ils emploient. Ainsi dans 1984 d’Orwell, dans le nouveau langage (novlangue) en vigueur pour conditionner les gens, les mots perdent leur vrai sens, et peuvent même prendre le sens de leur contraire. Quand l’esclavage devient liberté, on ne sait plus quel est le vrai sens de liberté. Confucius disait bien cela : « Lorsque les mots perdent leur sens, les gens perdent leur liberté. Si j’étais chargé de gouverner, je commencerais par rétablir le sens des mots ». Albert Camus disait de même « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » Quelle leçon pour les anti-vaccins !
Article paru dans Golias Hebdo, 2 septembre 2021
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