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23 février 2025 7 23 /02 /février /2025 02:01

Normalement c’est le lieu où se déroule le culte. Mis à part des autres, il est pour cette raison considéré comme sacré, et donc s’oppose à l’espace profane.

 

Nous en sommes loin maintenant. Ainsi, pour attirer des fidèles, la cathédrale médiévale de Rochester (sud-est de l’Angleterre) a trouvé une idée : transformer sa nef en mini-golf. Les gens s’y pressent maintenant, la fréquentation ayant augmenté de plus de 80% par rapport à la même période en 2018. Et Rochester n’est pas un cas isolé. La cathédrale de Norwich (est de l’Angleterre) a installé un toboggan en spirale d’une quinzaine de mètres de hauteur, tandis que celle de Lichfield (centre de l’Angleterre) a dévoilé en juillet une réplique de la surface de la lune sur son sol. (Source : AFP, 09/08/2019)

 

Jusqu’à présent les églises pouvaient abriter des concerts musicaux, éventuellement quelques expositions d’œuvres d’art, mais jamais encore des installations de pur divertissement. Bien sûr on sait qu’au Moyen-Âge elles accueillaient des animaux et des marchés. Mais à cette époque la foi tout de même était grande, et si baroque que fût la fréquentation, l’édifice ne perdait pas son statut de porte ouverte sur le divin. Aujourd’hui la fréquentation devient purement ludique, et répond à cet éthos de l’amusement qui caractérise notre époque, et que Baudrillard appelait la fun morality. À la différence des promoteurs de cette innovation, je doute que ces visites débouchent sur des conversions.

 

Maintenant on pourrait faire une autre lecture de la chose, et considérer qu’il n’y a aucune raison de sacraliser le temple, puisque Dieu ou le divin ne réside pas dans des pierres, mais au plus profond de notre cœur. Le Verbe a dressé sa tente en nous (Jean 1/14). Et comme le Royaume, Dieu est à l’intérieur de nous (Luc 17/21). Peut-être la désacralisation des espaces extérieurs mènera-t-elle à l’intériorisation de cet Essentiel dont ont bien besoin il me semble nos contemporains dévoués au seul culte du Jeu. Bien sûr le Temple perdrait alors sa fonction traditionnelle d’espace séparé et exclusivement dédié au divin.

 

Mais cette vision iconoclaste, libératrice et salutaire pourtant, ne sera partagée, ni par les visiteurs, ni par les clercs, obsédés par le souci de remplir l’édifice, à défaut des cœurs, ni bien sûr par les traditionalistes défenseurs potentiellement fanatiques du Temple (en latin : fanum).

 

Un mini-golf dans la cathédrale de Rochester, en Angleterre, le 6 août 2019. (D.R.)

 

***

 

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22 février 2025 6 22 /02 /février /2025 12:24

L'appel d'un monde unifié :

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21 février 2025 5 21 /02 /février /2025 02:00

I

l y avait dans une petite partie du monde, qui se voulait progressiste, des esprits novateurs désireux de contester tout ce qui jusque là avait construit la culture dont ils avaient hérité. Ils voyaient ce qu’ils pensaient en être l’arbitraire, et les injustices qui en provenaient. Et la plus grande pour eux était la domination millénaire, patriarcale, exercée par un sexe sur l’autre.

 

Aussi dans leur frénésie de déconstruction « éveillée » (c’est par ce mot, woke, qu’ils caractérisaient leur entreprise), s’acharnaient-ils, par le poids de lobbys influents, à réduire cette domination, par exemple en recourant systématiquement, dans le langage, à des vocables non genrés. Ainsi, dans telle nation fort en avance de ce point de vue, les parents furent-ils invités à choisir n’im­porte quel prénom pour leur enfant, sans tenir compte de son sexe : on pouvait appeler une fille Jack, et un garçon Lisa.

 

Désormais les prénoms unisexes, qu’on dit épicènes, comme Dominique ou Claude, etc., ne suffisaient pas. Il fallait aller plus loin, et tout « neutraliser ». Ainsi on s’avisa de remplacer les pronoms « il » ou « elle » par un pronom neutre et polyvalent, « iel », pour parler d’une personne sans mentionner son sexe.

 

Sans se douter qu’un masculin pouvait avoir dans la langue une fonction de neutre, et revêtir une signification générale, non genrée, on s’appliqua à bien spécifier toujours les choses, et c’est ainsi par exemple que les « droits de l’homme » furent renommés en « droits humains ». On fit la chasse partout aux équivoques (supposées) du langage sous prétexte qu’un des deux sexes y était oublié et y devait désormais être inclus. Et dans la graphie on inventa pour ce faire l’écriture inclusive, dont on  ne se demanda pas si elle était même lisible. L’essentiel était qu’on y fût inclus(e).

 

La méfiance était telle vis-à-vis de l’inégalité qu’on alla très loin dans la neutralisation. Ainsi une fédération de bowling annonça son intention de fusionner les tournois féminins et masculins afin de neutraliser ce sport. Des politiciens proposèrent l’installation de toilettes neutres pour que les citoyens ne fussent plus obligés de se catégoriser en dames ou messieurs, etc.

 

Mais allait-on « neutraliser » l’haltérophilie, ou la boxe ? On en pouvait en sourire si on n’y voyait une intention d’imposer à tout le monde une même façon de voir. On ne se demanda pas si là était le propre même du totalitarisme, et si derrière tout cela ne se profilait un fanatisme normatif inquiétant.

 

Le vocabulaire se fit policier. Ainsi un parti Vert préconisa-t-il la mise en place de « pédagogues du genre » dans toutes les écoles maternelles, pour agir en « chiens de garde » du processus de « neutralisation ».   « Chiennes de garde » était aussi le nom dont s’affublèrent les gardiennes du sexe opprimé. On n’admettait plus qu’il y eût une différence entre garçons et filles, par exemple pour les jouets et les vêtements.

 

*

 

Ces comportements, quelque justifiés qu’ils furent à l’origine (et en effet certains le furent bien), dressèrent contre eux maints parents désorientés. Pauvres enfants, à qui on voulait enlever leurs petites autos, s’ils étaient des garçons, ou leur landau, s’ils étaient des filles ! Les dégâts psychologiques étaient incalculables : on allait culpabiliser le choix de tel ou tel jouet, sous prétexte que plus tard cela serait source de stéréotypes !

 

Et si l’enfant était porté naturellement vers ce qu’on lui interdit, au nom de quoi faire cette interdiction ? Si un petit garçon voulait s’habiller en pirate, et une petite fille en princesse, qui était-on pour les en empêcher ? Qui était-on pour jeter la confusion dans ces petits esprits, si fragiles encore ? Ce funeste lobby liberticide, qui pouvait prendre le pouvoir chez eux, ne faisait qu’opérer un nouveau Massacre des Innocents !

 

Sans compter, sous couvert de neutralité, l’incitation sournoise à modifier son genre. Là les esprits vacillaient. De quel droit était faite cette incitation, pourquoi pouvait-on laisser croire que l’on admettait la possibilité du changement de genre, simplement par le fait d’en parler à des enfants au mépris de leur âge ?

 

Mais on ne se demanda pas si le discours qu’on tenait ainsi n’était pas aussi simplificateur et manichéen que celui auquel on s’opposait. On projeta sur ceux que l’on incriminait les propres peurs que l’on avait en soi. Et nulle part dans ces débats il n’y eut, d’un côté ou de l’autre, de réflexion raisonnable.

 

*

 

À quelque temps de là, dans le plus puissant des pays concernés, il y eut un gigantesque séisme, où tout ce qui s’était voulu progressiste fut radicalement balayé par la voix du peuple. Pour combien de temps, on ne le sait, d’autant que ce changement se diffusait partout ailleurs. Il a nom dans la langue de ce pays Backslash, et dans la nôtre : « Retour de bâton ».[i]

 

[i] Slate.fr, 27/05/2012 (pour les novations en Suède), et Wikipédia, articles Woke et Backslash.

 

*

Ce texte est tiré de l'ouvrage suivant (cliquer sur l'image) :

 

D.R.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
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