Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
2 janvier 2025 4 02 /01 /janvier /2025 02:00

Un temple est la demeure d’un dieu, ou chez nous de Dieu. À ce titre, il est d’usage, sinon d’y prier, du moins de respecter le besoin de transcendance qui a présidé à son édification. Pourtant de toutes parts nous parviennent des nouvelles de son affectation à des fins toutes différentes de celle qu’il devait servir. Telle son utilisation, dans une église d’Angleterre, pour accueillir des combats de catch. (Source : leparisen.fr, 22/11/2034)

 

Bien sûr la révérende de cette église anglicane dit que cette initiative a pour objectif de faire venir un public plus jeune dans sa paroisse, qui a perdu 20% de sa fréquentation depuis 2020. Et aussi, que le catch permet, en mettant en scène les combats qu’il propose, d’être en phase avec les préoccupations des spectateurs, qui connaissent bien eux aussi les combats dans leur vie quotidienne. Il peut leur donner courage pour les affronter, d’autant que dans la scénographie du catch le bien triomphe toujours du mal, comme le « gentil » du « méchant », à la fin de la lutte. Cette représentation permet de garder la foi dans les épreuves, d’autant que sermon et prières, qui entourent les matchs, peuvent aller dans le même sens.

 

Mais le spectateur de la lutte sur le ring peut-il en même temps écouter un sermon ? Je gage qu’en lui le désir de voir, la pulsion scopique l’emportera, meurtrière de toute transcendance. Dieu est toujours du côté de l’oreille, non de la vue.

 

Quant à l’argument du secours apporté à la foi, il me paraît extrêmement grossier et infantilisant. Seuls les enfants se satisfont d’une si manichéenne répartition des rôles, telle qu’on la voit dans le catch, avec à la fin la victoire obligée du bon contre le méchant. Malheureusement certains sermons moralisateurs aussi. Mais on ne peut pas faire vieillir les gens en les maintenant dans une enfance sans fin.

 

On sait enfin que les combats de catch ne sont pas de vrais combats, puisqu’ils sont arrangés par leur metteur en scène et la complicité de leurs acteurs. Les insérer ainsi dans le gigantesque théâtre chrétien qu’illustre par destination le temple, en ne faisant pas de différence entre les deux, n’est-ce pas fragiliser le second, en le faisant voir lui aussi comme une représentation théâtrale, ou un mythe, rien de plus ? En ce sens, si le catch peut (pour certains) servir l’Église, il peut aussi la détruire, simplement en la ramenant au même niveau d’artifice que lui.

 

D.R.

 

Partager cet article
Repost0
1 janvier 2025 3 01 /01 /janvier /2025 12:20
Partager cet article
Repost0
31 décembre 2024 2 31 /12 /décembre /2024 02:01

Le 21 novembre dernier, la cour d’assises de la Manche a acquitté un jeune réfugié d’origine bangladaise du viol d’une lycéenne de 15 ans à Saint-Lô, dans la Manche, fin 2015. Au procès, l’avocate de la défense a invoqué des difficultés d’interprétation de son client qui « n’avait pas les codes culturels » pour prendre conscience qu’il imposait une relation non consentie. Quant aux experts, ils ont décrit le réfugié comme empreint de la culture masculine de son pays d’origine où « les femmes sont reléguées au statut d’objet sexuel ». Autrement dit, il n’a fait que suivre les coutumes de son pays. (Source : Lefigaro.fr, 24/11/2018)

 

Il semble bien que ce soit cette absence chez lui de « codes culturels » appropriés qui ait emporté l’adhésion des juges, et ait provoqué l’acquittement. Je sais bien qu’en matière de justice un progrès a été fait au cours du temps, lorsqu’on a cessé de considérer seulement l’acte commis en lui-même, pour prendre en compte le contexte, l’intention par exemple de l’agent et la présence chez lui d’une claire conscience de ce qu’il a fait. Mais enfin la décision d’absoudre me semble ici, comme elle l’a paru à beaucoup, totalement inadmissible.

 

Les « codes culturels » ont bon dos. Leur invocation ici procède du plus détestable des relativismes. Je sais bien encore ce que dit Montaigne des Cannibales dans ses Essais : « Chacun appelle barbare ce qui n’est pas de son usage. » Et aussi ce que dit Lévi-Strauss dans Race et Histoire : « Le barbare est celui qui croit à la barbarie. » Mais de telles formules, justes dans un sens, sont insoutenables dans un autre. À ce compte-là, toutes les pratiques seraient également justifiées au regard des habitudes locales : l’esclavage, l’excision, etc. Contre ce localisme spécificateur, qui est un communautarisme, il faut défendre l’abstraction généralisante des droits de l’homme, selon par exemple l’idéal des Lumières. Et traiter autrui, selon le mot de Kant, jamais comme un moyen, mais toujours comme une fin. C’est ce qu’on aurait dû faire comprendre, par un verdict moins absurde, à notre prédateur sexuel.

 

Article paru dans Golias Hebdo, 13 décembre 2018

 

D.R.

 

Partager cet article
Repost0

Présentation

  • : Le blog de michel.theron.over-blog.fr
  • : "Mélange c'est l'esprit" : cette phrase de Paul Valéry résume l'orientation interdisciplinaire de mon blog. Dans l'esprit tout est mêlé, et donc tous les sujets sont liés les uns aux autres. - Si cependant on veut "filtrer" les articles pour ne lire que ce qui intéresse, aller à "Catégories" dans cette même colonne et choisir celle qu'on veut. On peut aussi taper ce qu'on recherche dans le champ "Recherche" dans cette même colonne, ou encore dans le champ : "Rechercher", en haut du blog - Les liens dans les articles sur le blog sont indiqués en couleur marron. Dans les PDF joints, ils sont en bleu souligné. >>>>> >>>>> Remarque importante (avril 2021) : Vous pouvez trouver maintenant tout ce qui concerne la Littérature, la Poésie et l'Art dans mon second blog, "Le blog artistique de Michel Théron", Adresse : michel-theron.eu/
  • Contact

Profil

  • www.michel-theron.fr
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

Recherche

Mes Ouvrages