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30 septembre 2022 5 30 /09 /septembre /2022 01:00

J

e viens d’entendre que 60% des états-uniens sont créationnistes : ils forment donc un lobby puissant capable de faire à telle occasion basculer les élections dans le camp conservateur, au risque de transformer la démocratie de leur pays en théocratie. On sait que Ronald Reagan naguère préférait descendre d’Adam plutôt que du singe, position reprise plus tard sous l’ère Bush.

 

Cette idée de création du monde ex nihilo (à partir de rien) vient de la traduction que Jérôme a faite, en sa Vulgate, du second mot hébreu de la Genèse : il a mis creavit (Dieu créa), alors qu’il aurait tout aussi bien pu mettre fecit (Dieu fit), comme l’a fait la Septante en mettant le mot poïein.

 

La différence ? C’est que faire peut tout simple­ment dire façonner, organiser, mettre en ordre, ici par séparations successives, une matière qui peut très bien être préexistante, un peu comme le potier fabrique un pot à partir de l’argile. La transcendance de Dieu en est peut-être diminuée, mais le sens symbolique du texte peut s’y mieux percevoir : il s’agit à partir d’un tohu-bohu ou d’un chaos initial de faire émerger un ordre, ainsi qu’il se voit dans d’autres récits des origines comme la Théogonie d’Hésiode. Cette version symbolique du début de la Genèse, tout le monde peut la partager, ne serait-ce qu’en considérant comment l’esprit humain lui-même met de l’ordre dans le chaos de ses perceptions.

 

Il suffit de voir comment chaque matin pensée et conscience s’éveillent en nous dans la pénombre de notre chambre. D’abord il y a, obscurément, quelque chose ; et puis, émergeant progressivement du chaos, des choses : là mon armoire, là ma commode, là mon fauteuil, etc. Ainsi refaisons-nous quotidiennement le travail de Dieu au début de la Genèse – avant notre nouveau lever, ou littéralement notre résurrection.

 

Nos créationnistes fondamentalistes n’entrent pas dans de telles subtilités. Ils parlent de l’iner­rance biblique (la Bible ne se trompe jamais), sans se poser même la question de la traduction qu’ils utilisent. Mais le fond du problème est qu’ils refusent ici toute idée de hasard, le monde étant pour eux admirablement agencé.

 

Dernièrement, ils ont développé l’idée d’un Intelligent Design (I.D.), qui n’a de scientifique que le nom, et qui ne fait en réalité que reprendre ce que dit le Psalmiste : « Les cieux chantent la gloire de Dieu. » (19/2)

 

Mais d’abord cette gloire, les aveugles ne la voient pas, ainsi que le souligne Diderot dans sa Lettre sur les aveugles. Ensuite, nos créationnistes devraient lire la critique que fait Spinoza du finalisme, dans l’Éthique : « Ce qu’on appelle cause finale n’est rien d’autre que le désir humain en tant qu’il est considéré comme cause d’une chose. » En vérité, le sens auquel ils s’accrochent n’est que le désir qu’ils ont de sa présence, et rien de plus.

 

[v. Finalité, Réponse]

Article paru dans Golias Hebdo,11 novembre 2010

 

D.R.

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

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29 septembre 2022 4 29 /09 /septembre /2022 14:39

Voici, mis sur mon blog artistique, un extrait d'un tome de mon dernier ouvrage Petites méditations photographiques (5 volumes parus)  :

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28 septembre 2022 3 28 /09 /septembre /2022 01:00

E

lle est nécessaire, selon l’Église catholique, pour que le mariage soit valable. À Viterbo, en Italie, deux fiancés, âgés de 25 et 26 ans, devaient se marier. Mais un mois avant la célébration, un grave accident de la route priva le jeune homme de l’usage de ses jambes. Dès lors l’évêque du lieu annula la cérémonie, au motif d’« impuissance copulative », une des « raisons dirimantes » exprimées dans le droit canon, qui fonde le mariage sur l’acte sexuel opéré en vue de la procréation des enfants. (Source : site de L’Express, 11/06/2008).

 

Je ne sais si depuis la paralysie et l’impuis­sance du jeune homme ont pu disparaître, et si l’interdiction de l’évêque a pu être levée. Mais ce fait me semble significatif d’une position ecclésiale inflexible, qui n’est pas propre d’ailleurs au catholicisme.

 

Mais de quoi se mêlent les religions en l’espèce ? D’abord subordonner l’amour à la seule sexualité réalisée est le réduire bien souvent : les partisans de la Fin’amor, au Moyen-âge, cherchaient souvent dans l’épreuve de la chasteté volontaire un moyen de sublimer les pulsions par quoi l’homme tient de l’animal. Pensons aussi aux Condormants, qui à la même époque s’essayaient au « martyre blanc », épreuve consistant à coucher avec un partenaire de l’autre sexe pour vérifier si l’on était capable de garder la continence. Ou pensons encore, dans un autre contexte, au syneisaktisme des Pères du Désert, forme d’ascèse consistant en la cohabitation chaste avec une personne de sexe différent, dans le but de surmonter ses tentations charnelles.

 

Là est l’essence de tout l’amour courtois, qu’il ne faut pas balayer d’un revers de main, pas plus que l’amour dit « platonique ». Et d’ailleurs, l’Église elle-même ne fait-elle pas l’éloge de la virginité, avec son culte marial ?

 

En second lieu, subordonner la sexualité à la reproduction de l’espèce, c’est ravaler l’homme précisément au rang des animaux, chez lesquels ce lien est constant. Mais l’homme a disjoint sexe et reproduction, en inventant l’érotisme, qui est précisément sa spécificité. L’enjeu est le plaisir qu’on peut se donner mutuellement, qu’il serait bien barbare de vouloir refuser à ces pauvres êtres promis à la mort que nous sommes, durant notre bref passage sur cette terre.

 

Certes l’Église se contente de refuser l’« im­puis­sance copulative », et ne va pas jusqu’à considérer, comme « raison dirimante » d’annula­tion d’un mariage, la stérilité. Mais le judaïsme orthodoxe voit dans cette dernière un motif de divorce, comme il se voit dans le film Kadosh, d’Amos Gitaï. Et on ne se demande même pas si elle ne vient pas de l’homme, dont on ne peut faire le sper­mogramme, depuis la condamnation biblique du péché d’Onan…

 

Laissons donc les interdits religieux où ils sont, et simplement ayons pitié de nous-mêmes !

 

Article paru dans Golias Hebdo, 16 août 2012

 

 

***

 

Ce texte est extrait d'un des deux tomes de mon ouvrage Chroniques religieuses. Pour plus de détails sur ces deux livres, cliquer: ici.

 

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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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