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6 décembre 2021 1 06 /12 /décembre /2021 02:01

M

useum of me (ou « Musée de moi-même ») : tel est le titre de la nouvelle application du fabricant de microprocesseurs Intel, disponible sur Facebook (source : Télérama, 15 juin 2011, p.8).

 

Le dispositif, dit encore ce journal, permet à chacun d’afficher toutes les données de sa page personnelle (photos, centres d’intérêts, « amis » préférés, etc.), et de les mettre en scène dans un musée virtuel. Cette initiative a très vite connu un grand succès, et près d’un million d’internautes ont ainsi créé leur « ego-expo ». On peut également télécharger le catalogue de la visite.

 

Cette muséification de soi est un évident signe du narcissisme contemporain, où chacun s’auto-idolâtre et se met en scène, au point de considérer sa vie comme une œuvre d’art. Nul ne pense qu’elle puisse être au demeurant si terne et vide que rien ne saurait mériter d’en faire mention. Non, on se laisse prendre aux sirènes de la publicité, qui joue sur le même registre : « C’est bien parce que c’est vous », « Parce que je le vaux bien », « Ce corps dont vous rêvez, c’est le vôtre », « Touchez vos rêves », « Venez comme vous êtes », etc.

 

Cela me fait penser à ces restaurants où l’on nous dit qu’on y mange « comme chez soi ». Mais si c’est pour y manger comme chez soi, ce n’est pas la peine d’aller au restaurant...

 

Ainsi en ce monde moderne chacun est dispensé de se mettre en frais, et  peut avoir son quart d’heure de célébrité warholien. Chacun même aujourd’hui peut avoir son propre musée ! Il s’y mire avec complaisance et bonheur, à la différence de tout homme ouvert à la Transcendance, qui ne supporte pas de voir sa vie avec satisfaction. Tel Apollinaire dans « Zone » :

 

« Tu te moques de toi et comme le feu de l’Enfer ton rire pétille
 Les étincelles de ton rire dorent le fond de ta vie
C’est un tableau pendu dans un sombre musée
Et quelquefois tu vas le regarder de près. »

 

Le rire du poète ici est un rire d’auto-ironie ou d’autodérision, qui succède à l’ancienne présence en nous de l’aspiration au sacré : ses étincelles infernales remplacent le fond d’or des icônes, et le musée personnel n’a rien d’avenant (« sombre musée »).

 

Mais le rire de l’homme moderne, qui ne sent plus l’absence d’idéal comme une absence, est un rire de satisfaction. Un peu comme le Lol ! des inter­nautes (Laughing out loud : rire aux éclats), qui d’ailleurs adorent se prendre eux-mêmes en photo (selfie : autoportrait), et s’exposent avec complaisance sur la Toile.

 

Telle est la modernité, vantant son propre vide : du néant sous des néons !

 

[v. Narcissisme (II), Pied]

 

> Article paru dans Golias Hebdo, 30 juin 2011

 

***

Cet article est extrait du livre suivant :

Petite philosophie de l'Insolite
Théron, Michel
17,00Livre papier
Lire un extrait

DESCRIPTION

Les textes composant cet ouvrage sont tous parus, sous leur forme initiale, dans un journal hebdomadaire. Ils concernent des sujets d'actualité étranges, bizarres, insolites, souvent amusants, mais se prêtant toujours à un commentaire philosophique. Ils peuvent servir de points de départ pour la réflexion individuelle du lecteur, mais aussi ils peuvent alimenter des débats thématiques collectifs (cours scolaires, cafés-philo, réunions de réflexion...).

 

***

 

> Pour voir tous mes livres édités chez BoD, cliquer : ici.

 

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4 décembre 2021 6 04 /12 /décembre /2021 02:01

Une nouvelle traduction du missel romain est parue depuis l’entrée en Avent. Concernant le Fils de Dieu, elle remplace dans le Credo de Nicée la formule « de même nature que le Père », par : « consubstantiel au Père », calquée effectivement sur la version latine du même Credo. J’ai montré dans mon livre consacré au Credo (Les Mystères du Credo – Un christianisme pluriel, éd. BoD, 2018) qu’en effet et en toute rigueur « de même substance » ne signifie pas « de même nature ». Mon voisin par exemple est de même nature que moi, un homme, mais il n’est pas de même substance. C’est pour éviter l’accusation de pluralité séparée des personnes dans l’affirmation de la Trinité, de polythéisme finalement, qu’on a choisi la communauté de substance (consubstantialité), et non la communauté de nature (connaturalité).

 

Cependant ce dogme ne m’a intéressé d’un point de vue historique et intellectuel, et je m’étonne qu’on fasse aujourd’hui encore si grand cas de cette nouvelle traduction, au point de dire qu’elle met fin à une hérésie ou à un schisme (la traduction par « nature » serait gallicane), et qu’on se félicite d’un retour à une rigueur doctrinale depuis longtemps souhaitée (Source : france-catholique.fr, 26/11/2021).

 

Il me semble que l’Église a beaucoup d’autres choses à s’occuper, dont le scandale de la pédophilie en son sein, ou encore la compassion due aux migrants, etc., sans qu’il faille exhumer ces vieilles querelles qu’on peut voir comme purement verbales. Augustin lui-même, dans son traité sur la Trinité, a avoué à propos des trois personnes trinitaires en communauté de substance (hypostases) : « On a dit trois personnes, non pas pour dire quelque chose, mais pour ne pas demeurer muet. (Dictum est tres personæ, non ut aliquid diceretur, sed ne taceretur). »

.

À mon avis ce qu’il en fut du personnage de Jésus ou ce qu’on doit penser de son statut, comment il faut le considérer, l’appeler, etc., n’est pas ce qui compte. L’important est sa voix telle qu’elle nous est parvenue, et avec elle la conduite de vie, l’orthopraxie qu’il a prêchée : « Pourquoi dites-vous Seigneur, Seigneur, et ne faites-vous pas ce que je dis ? » (Luc 6/46)

 

La théologie même devrait distinguer les questions essentielles de celles qui sont accessoires et parfois aussi simples souffles de voix (flatus vocis), sous peine de vérifier la définition que Borges en donnait : « Une branche de la littérature fantastique. »

 

La construction trinitaire : en quoi nous concerne-t-elle vraiment ? (D.R.)

 

Voir aussi :

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2 décembre 2021 4 02 /12 /décembre /2021 02:01

L

es concours de Mini-Miss sont fréquents aux États-Unis. Chaque parent s’y projette par délégation sur sa progéniture, et c’est à qui remportera le prix qui fera la joie de toute la famille.

 

Le film de Jonathan Dayton, Little Miss Sun­shine, sorti en 2006, traite ce sujet sur un mode satirique, et montre bien qu’il est absurde pour une famille de loosers, telle celle du film, d’y espérer une quelconque revanche sociale. Cela n’empêche pas le maintien de cet usage, et par habituelle contamination, son extension aux pays de la vieille Europe, dont le nôtre. Ainsi chez nous a été créé il y a vingt-quatre ans un comité des Mini-Miss.

 

C’est pourquoi notre Sénat vient de proposer une mesure législative interdisant les concours de beauté pour les moins de 16 ans, et menaçant les organisateurs de deux ans d’emprison­nement et 30 000 euros d’amende. « Ne laissons pas nos filles croire dès leur plus jeune âge qu’elles ne valent que par leur apparence », a déclaré l’ancienne ministre Chantal Jouanno.

 

Cependant, vient de se créer un « Collectif des mamans de Mini-Miss en colère », dont la porte-parole déclare : « Les enfants voyagent, s’amu­sent, apportent du bonheur dans leurs familles avec leurs couronnes et leurs écharpes… Et puis toutes les femmes font tout pour être belles, c’est aussi ça être une femme… » (Source : Télérama, 02/10/13, p.17)

 

Autrement dit, une femme se réduit à son apparence, ce que précisément la disposition sénatoriale a voulu éviter.

 

J’ai déjà dénoncé ce diktat de l’apparence en général, qui caractérise toute la modernité. Mais s’agissant plus particulièrement d’une femme, le message lisible en filigrane est évidemment : « Sois belle et tais-toi ! »

 

Comme d’ailleurs le concours des Miss adultes en général, et même les défilés de mode, cet usage d’appréciation par pesage m’a toujours fait penser aux Comices agricoles de naguère, ou au Salon de l’Agricul­ture actuel, où l’on juge les bestiaux par leur aspect, l’état de leurs dents, etc. Et ici la chose s’aggrave encore jusqu’à l’obs­cénité par le fait qu’il s’agit d’enfants.

 

Qu’est-ce qu’une civilisation, où le seul look ainsi l’emporte sur tout le reste, c’est-à-dire sur l’essentiel ?

 

[v. Divertissement, Stupidité (II)]

 

> Article paru dans Golias Hebdo, 17 octobre 2013

 

D.R.

 

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Théron, Michel
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  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).
  • Agrégé de lettres, professeur honoraire en khâgne et hypokhâgne, écrivain, photographe, vidéaste, chroniqueur et conférencier (sujets : littérature et poésie, stylistique du texte et de l'image, culture générale et spiritualité).

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